Journal C'est à Dire 140 - Janvier 2009

É C O N O M I E

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Fournets-Luisans

Un appel offres favorable à la commune

Les neuf entreprises qui ont répondu à un appel d’offres lancé par la mairie de Fournets-Luisans ont toutes répondu en dessous du coût estimatif du chantier. Une situation qui interpelle le maire.

Une aubaine pour la collecti- vité. “Ce qui m’interpelle éga- lement, c’est que les entreprises sont prêtes à intervenir dans les trois semaines” , ce qui est enco- re plus rare ! Les carnets de commandes seraient-ils vides à ce point ? En tout cas, Marie-Anne Cupillard a la certitude que la conjonc- ture lui permet de réaliser une opération d’aménagement moins pesante pour les finances com- munales, d’autant que le chan- tier est largement subvention- né. Mais l’intérêt qu’elle a eu à concrétiser ce projet en 2008 plutôt qu’en 2007 lui laisse un goût amer. Selon l’élue, le résultat des appels d’offres est la traduction de la crise que traversent aujourd’hui les travaux publics. “L’époque est favorable à ce genre de pro- positions de travaux qui seront réalisés au printemps. Toutefois, les prix et les délais proposés

prouvent que les entreprises cher- chent du travail. Bien sûr que les finances communales vont en bénéficier, mais ces conditions ne sont pas souhaitables car elles reflètent vraiment le malaise qu’on nous annonce et que je redoute le plus : la baisse du tra- vail et la crise économique avec tout ce que ce cela veut dire. Ce sont nos administrés qui vont peut-être chômer puisque toutes ces sociétés sont situées géogra- phiquement dans notre secteur. Dans ce contexte-là, je ne peux pas me réjouir dit-elle. La chance finit parfois par tour- ner. Marie-Anne Cupillard est favorable à la relance de l’investissement. La munici- palité qu’elle chapeaute ne manque pas d’idées. Mais elle redoute aujourd’hui de se heur- ter à nouveau mur : celui des banques qui sont moins dociles qu’avant avec les collectivités. T.C.

L a mairie de Fournets- Luisans a respecté la pro- cédure réglementaire habituelle. Elle a fait les choses dans l’ordre en lançant un appel d’offres public le 4 octobre, pour déterminer la société à laquel-

ouverts les plis. “Nos critères de choix étaient les suivants. Le pre- mier était le prix de la presta- tion, le second les références et les valeurs techniques, et le troi- sième les délais d’exécution” explique Marie-Anne Cupillard, maire de Fournets- Luisans.

le elle allait confier la réalisation du réseau d’assainissement du hameau de Grandfon- taine où elle envisage d’aménager un lotisse- ment. Un projet impor-

“Ce sont nos administrés qui vont peut-être chômer.”

À la surprise généra- le, tous les candidats ont fait une proposi- tion inférieure à l’estimation, c’est plu-

tant pour ce village de 620 habi- tants puisque le chantier a été estimé à 373 000 euros. Neuf entreprises du Haut-Doubs ont répondu avant le 27 octobre, la date-butoir à laquelle ont été

tôt rare. C’est l’entreprise Ver- mot-Faivre-Rampant qui a fina- lement été retenue. Elle avait mis la barre la plus basse en se plaçant près de 35 % en deçà du coût estimatif de l’opération.

Marie-Anne Cupillard : “Les prix et les délais proposés prouvent que les entreprises cherchent du travail.”

Claude Jeannerot, président du Conseil général du Doubs, tempè- re la situation et confirme l’engagement de la collectivité aux côtés des entreprises, et ce, malgré une baisse des investissements. Conseil général “Que notre collectivité soit un acteur anti-crise”

Commentaire “Nous sommes face à

une crise vertigineuse”

Gilbert Jacquot, président de la Fédération Régionale des Travaux Publics aler- te les collectivités sur le rôle qu’elles ont à jouer pour sortir les T.P. de la cri- se en relançant la commande publique.

C’ est àdire : Les Travaux Publics ont- ils déjà traversé une telle crise ? Gilbert Jacquot : Actuellement, ce qui nous manque, c’est de la visibilité. On sort d’une année électorale, une période où les investissements sont toujours moindres. Or, en septembre, alors que nous attendions une reprise, nous avons glis- sé dans une crise d’abord financière puis éco- nomique. Nous sommes dans une situation que nous n’avons jamais connue et nous ne savons pas quand tout cela va s’arrêter. Càd : Les collectivités tiennent la clé de vos problèmes. Il faudrait qu’elles relancent la commande publique ? G.J. : Les appels d’offres sont divisés par trois ou quatre. Nos carnets de commandes fondent et il n’y a pas de signe de reprise. La crise est très brutale. Va-t-elle durer ou non ? Nous n’en savons rien. C’est la raison pour laquelle la Fédération Régionale des Travaux Publics interpelle les élus locaux. En Franche-Comté, les chantiers pour les collectivités représentent près de la moitié du chiffre d’affaires des entreprises de T.P. Si elles ne relancent pas l’investissement, il y aura des conséquences sur l’emploi. Nous sommes dans un secteur qui a beaucoup recruté ces dernières années. Si les communes, communautés de com- munes, Conseils généraux choisissent de ne pas entreprendre, nous allons fragiliser tout un dispositif que nous avons créé ensemble par favoriser l’insertion de personnes en difficulté dans nos sociétés. En cas de récession, nous péren-

niserons en priorité l’emploi de personnes qua- lifiées compétentes et malheureusement pas celui des personnes en insertion. Les entreprises com- mencent à avoir des problèmes de carnet de com- mande et les collectivités ne doivent pas s’en réjouir. Càd : Que pensez-vous du plan de relance annoncé par Nicolas Sarkozy ? G.J. : Le plan de relance est très positif, car l’État a pris conscience qu’il fallait relancer la machi- ne par l’investissement. L’annonce qui a été faite d’accélérer le remboursement de la T.V.A. aux collectivités va dans le bon sens à condi- tion que ce gain serve l’investissement. Càd : Toutefois, il n’y a plus de grands chan- tiers dans la région. Cette réalité s’ajoute à une évolution défavorable de la conjonc- ture. Comment pouvez-vous réagir ? G.J. : En Franche-Comté, les grands chantiers arrivent à terme. La mise en trois voies de l’autoroute A 36 se termine ainsi que la construc- tion de la ligne L.G.V. Pour nous, c’est un pro- blème. C’est pourquoi la F.R.T.P. s’est lancée dans le recensement de tous les projets que peuvent avoir les collectivités en Franche-Comté. On pen- se qu’il y en a entre 200 et 500 dans la région et 10 000 en France. L’idée est de voir avec elles dans quelle mesure elles peuvent engager les tra- vaux. Si elles sont sur la réserve, nous voulons essayer de savoir pourquoi avant de leur pro- poser un accompagnement pour lancer le projet. Càd : Vous êtes engagé dans une bataille pour l’emploi ? G.J. : Chaque mois gagné, ce sont des emplois sauvés. Les collectivités doivent le comprendre. Cependant, leur position est elle aussi défen- dable. Avec la dégradation de la conjoncture, elles redoutent que les dépenses sociales s’accroissent. C’est précisément maintenant qu’il faut investir pour inverser la tendance. Je rappelle qu’en Franche-Comté, les T.P. emploient 6 000 per- sonnes (dont 2 600 dans le Doubs) dans 340 entre- prises. Càd : Le moral des entrepreneurs est au plus bas en cette fin d’année ? G.J. : Il n’est pas bon. Les entrepreneurs sont passés d’une situation confortable il faut le recon- naître, à une situation difficile. Le secteur des travaux publics en Franche-Comté surfait sur le haut de la vague, et d’un coup il se retrouve face à une crise vertigineuse. En quelques mois, le carnet de commande des entreprises est passé de 5 mois à 2,5 mois. Propos recueillis par T.C.

C’ est à dire : Le Conseil général réduit ses dépenses d’investissement. Mais dans quelles proportions ? Claude Jeannerot : Nous adop- tons une stratégie d’équilibre. Il faut que nous maîtrisions nos dépenses, y compris les dépenses d’investissement. Par rapport à l’année dernière, elles passent de 156 millions d’euros à 130 millions d’euros. Le budget route recule de 44 millions d’euros à 40 millions d’euros. Il y a donc une réduction de l’investissement mais il faut savoir que le Département du Doubs est de ceux qui investis- sent le plus. Nous voulons rédui- re la voilure pour éviter d’augmenter trop la fiscalité. Néanmoins, nos dépenses d’investissement seront encore de l’ordre de 30 % supérieures à celles des départements com- parables. Je souhaite que notre collectivité soit un acteur anti- crise et que par notre action nous apportions notre soutien aux entreprises de travaux publics. Càd : Faut-il comprendre que le Conseil général n’a pas l’intention de faire l’impasse sur les projets engagés ou prêts à l’être ? C.J. : Nous allons par exemple poursuivre la rénovation des collèges comme celui de Saint- Vit, lancer les ouvrages d’art sur la R.D. 1, poursuivre la voie des Mercureaux, continuer l’aménagement de la route des Microtechniques et puis tout le reste. Nous maintenons égale- ment notre effort sur l’aide à la pierre qui accompagne les pro- jets de création de structures d’accueil pour les personnes âgées. Càd : Les communes et les communautés de communes redoutent également que le Conseil général réduise le

Claude Jeannerot, président du Conseil général du Doubs (photo archive Càd).

soutien financier qu’il leur apporte dans la réalisation de projets ? C.J. : Nous continuerons à sub- ventionner fortement les com- munes et les communautés de communes. Chaque fois que le département donne un euro à une de ces collectivités, nous créons un effet levier important pour l’investissement. Càd : Les craintes des entre- prises vis-à-vis des collecti- vités seraient donc infon- dées ? C.J. : Non, elles ne sont pas infondées car nous allons dimi- nuer la voilure, mais nous sommes aussi soucieux de main- tenir l’activité du B.T.P. Cette situation m’inquiète, mais en même temps quand on est élu,

on ne peut pas être fataliste.

Càd : Espérez-vous que le département du Doubs puis- se tirer les bénéfices du plan de relance annoncé par Nico- las Sarkozy ? C.J. : Je l’espère, car notre dépar- tement a besoin d’infrastructures nationales. Il y a une nécessi- té de financement immédiate pour terminer la voie des Mer- cureaux. Le Doubs a pris un retard considérable depuis tren- te ans. S’il fallait remettre à niveau les voies routières, il fau- drait investir 500 millions d’euros. C’est impossible. Mais compte tenu de ce retard, s’il y a un plan de relance, nous devons pouvoir en profiter. Propos recueillis par T.C.

Gilbert Jacquot : “Chaque mois gagné, ce sont des emplois sauvés.”

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