Journal C'est à Dire 136 - Octobre 2008

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P O L I T I Q U E

Politique La gauche qui rit, la droite qui pleure Les dernières élections sénatoriales sont tombées comme une douche froide sur la tête des ténors locaux de la droite. Annie Genevard, pas plus que Christine Bouquin et Jean-François Longeot, n’a réus- si à gagner son pari d’entrer au Sénat. L’élue mortuacienne revient sur ce revers cuisant de la droite.

L e contraste est particulière- ment saisissant. Soupe à la grimace sur le parvis du palais de justice de Besançon où se déroulent les élections sénatoriales dimanche 21 septembre dernier et joie euphorique à l’étage de ce même édi- fice où la gauche fête ce résultat his- torique de placer deux de ses candi- dats au Palais du Luxembourg. Et il s’en est fallu de peu pour que la troi- sième candidate permette à la gauche de réaliser le grand chelem. La victoire à l’arraché de Jean-Fran- çois Humbert qui sauve son fauteuil de 9 petites voix n’a pas suffi à redon- ner le sourire à une droite défaite. Un gros ouf gonfle les joues du sénateur Humbert réélu et de maigres applau- dissements de son camp ne réchauf- fent même pas l’ambiance de plomb. Des félicitations un peu forcées de ses amis de droite et les visages marqués des jours de défaite pour tous les autres,

la droite du Doubs s’apparente ce soir- là à un champ de ruines. Annie Gene- vard en tête, a la mine des mauvais jours. Le maire de Morteau ne pouvait pas cacher sa “grande déception.” Chris- tine Bouquin, éliminée dès le premier tour, n’avait même pas attendu le soir pour s’éclipser directement après l’annonce de son score décevant. “Je ne souhaite pas revenir sur cette défaite pour l’instant” dit-elle, dépitée elle aus- si. Pendant ce temps-là, à l’étage de la bâtisse,on se congratule,on s’embrasse. Ce n’est pas si souvent que la gauche gagne des élections nationales. En bas, Jean-François Humbert annonce aux siens qu’il paye tout de même le cham- pagne à Micropolis. La droite quitte le parvis du palais de justice sans aucun enthousiasme. Cette petite victoire du seul candidat de droite a le goût amer d’une défaite. J.-F.H.

Les sourires étaient crispés après la maigre victoire du sénateur sortant Jean-François Humbert.

Réaction “La droite s’est tiré une balle dans le pied”

C’ est à dire : C’est votre pre- mier grand revers électo- ral.Unesemaineaprès,quel est votre état d’esprit ? Annie Genevard : Toujours une gran- de déception. On savait que la partie était très difficile à jouer car le rap- port gauche-droite s’était modifié sen- siblement depuis les dernières muni- cipales avec la perte de villes impor- tantes comme Montbéliard. Mais ce sentiment de déception se situe à plu- sieurs niveaux. D’abord parce que le Haut-Doubs et la ruralité sont les grands perdants. Les deux élus de la gauche sont des urbains et qui n’ont peut-être pas mesuré à sa juste valeur la spéci- ficité de nos territoires ruraux. Ensui- te, je pense que ce résultat peut avoir une répercussion nationale dans le sens où Claude Jeannerot et Martial Bour- quin seront dans une opposition ferme à toutes les réformes du gouvernement. Enfin, sur le plan personnel, cette cam- pagne a représenté pour moi un pro- fond engagement, la déception est évi- demment importante. Càd : Comment analysez-vous les raisons de cet échec ? A.G. : La première raison, c’est la pro- gression et surtout l’union de la gauche et a contrario , la division de la droi-

Annie Genevard tente de trou- ver des explications à ce revers politique subi par la droite tout entière. Elle reste néan- moins animée par la volon- té d’avancer… et certaine- ment de se positionner sur d’autres objectifs.

te. On avait quatre candidats pour trois postes, tout cela a créé un climat de désunion qui a activé les déceptions et les rancœurs. Il est aberrant que des personnes aient pris le prétexte de considérations d’ordre géographique pour voter. Tout cela a fait perdre de vue à notre camp l’objectif politique de ces élections. Ce climat a été révéla- teur dans les bulletins. Tous les bul- letins apportés à la gauche étaient com- plets, avec les trois noms, ce qui est loin d’avoir été le cas à droite. Sur la quasi-totalité des bulletins, au moins un des trois noms des candidats de droite était rayé. Au second tour, mon nom a été biffé une quarantine de fois. Ajouté aux 33 abstentions au second tour et la droite a presque tout perdu. La droite s’est tirée une balle dans le pied alors qu’on pouvait garder au moins un siège de plus. Il faut désor- mais songer à se poser les vraies ques- tions avant que la droite de ce dépar- tement touche le fond. Càd : L’attitude de Jean-François Humbert qui a fait presque cava- lier seul n’a pas ajouté encore un peu de confusion ? A.G. : La dynamique de liste a joué à fond pour la gauche, elle n’a pas joué à droite… La droite de ce département est à reconstruire. Ses vraies valeurs sont à défendre et à expliquer. Càd : L’ascension politique d’Annie Genevard est sérieusement entra- vée ? A.G. : Toute vie politique est faite de réussite et d’échecs. Il faut traverser ces échecs avec dignité, sans amertu- me ni esprit de revanche. Càd : Il y a les régionales en 2010, d’autres sénatoriales dans six ans… Vous reverra-t-on sur le devant de la scène ? A.G. : Un échec politique n’est pas la fin de tout. Il faut désormais com- prendre, analyser, digérer, même si ce n’est pas évident de digérer. Il faut en tirer les enseignements, mais sur- tout collectivement. Personnellement, je ne suis aucunement découragée, je n’ai pas du tout envie d’arrêter. Cer- taines personnes auraient-elles eu peur de ma victoire ? La politique est hélas un monde de rivalités qui empêchent l’union. C’est dommageable.

Claude Jeannerot, président du Conseil général du Doubs, est le grand vainqueur de ce scrutin.

Propos recueillis par J.-F.H.

Annie Genevard, inquiète, à quelques minutes des résultats du scrutin au soir du dimanche 21 septembre.

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