Journal C'est à Dire 134 - Juillet-Août 2008

L A P A G E D U F R O N T A L I E R

42

Industrie “Les personnes que j’ai rencontrées ont envie de se battre”

Secrétaire d’État à l’aménagement du territoire, Hubert Falco est venu en mai prendre la mesure de la problématique transfrontalière à Morteau. Il a rencontré des élus locaux et des entrepreneurs. Bilan.

vous pouvoir apporter des solutions à la problématique posée ? H.F. : Lorsque la France pré- sidera l’Europe à partir du 1 er juillet, nous pourrons agir. Càd : Y a-t-il une marge de manœuvre sur les accords bila- téraux ? Les accords sont faits pour trou- ver des solutions bilatérales. Ils doivent en effet évoluer en fonc- tion des spécificités locales et de la société. Cela peut-être bon de faire évoluer ces accords que nous voulons accompagner.

sachant qu’elles sont soumises à la réglementation européen- ne. Càd : Vous avez rencontré un certain nombre d’industriels et d’élus locaux, que pensez-vous de leur moral ? H.F. : Je ne suis pas venu dans un département sinis- tré. Les personnes que j’ai rencontrées ont envie de se battre et m’ont fait part néan- moins de leurs inquiétudes. J’ai visité des régions où la situa- tion était beaucoup plus dra- matique qu’ici. C’est vrai, il y a un problème transfrontalier

propre à cette région. La Com- mission européenne est décidée à entendre la France sur ce point. Pour

C’ est à dire : Quelle perception avez- vous de ce terri- toire transfron- talier ? Hubert Falco : Je suis chargé

autant, nous ne pouvons pas fer- mer les frontières entre nos deux pays. La France et la Suisse parta- gent une histoire commune et doi-

de m’occuper du développement du territoire français et de fai- re en sorte que la diversité de chaque territoire soit un atout. Ici, nous sommes dans une région d’excellence industrielle.

C’est un maillage entre pôle de compétitivité microtechniques et pôle de compétence rurale. C’est aussi une région qui ne tourne pas le dos à son passé horloger qui appartient à son histoire. Càd : Quelle posture faut-il adopter face à la politique économique helvétique ? H.F. : Nous ne sommes pas en guerre contre la Suisse. Au contraire, ce pays est une chan- ce pour ce territoire. Nous ne sommes pas là pour montrer du doigt nos voisins helvétiques mais pour tenter de trouver des solutions avec eux. Càd : Le Haut-Doubs peut-il devenir une zone franche pour permettre aux entre- preneurs de bénéficier d’avantages fiscaux qui leur permettraient peut-être d’éviter la fuite de leur per- sonnel vers la Suisse ? H.F. : Nous sommes ouverts à toutes les propositions. Mais je ne suis pas certain que la zone franche soit la solution. Il en existe d’autres pistes à exploi- ter, mises en place par le gou- vernement, comme la libérali- sation du travail.Travailler plus en libérant des heures supplé- mentaires, c’est une solution pour lutter contre les disparités entre la France et la Suisse. D’autres aides sont possibles

“Je ne suis pas venu dans un département sinistré.”

vent faire bon ménage même s’il y a en effet un problème à résoudre. Càd : Pour les industriels locaux, il y a urgence à agir. Dans quels délais estimez-

Propos recueillis par T.C.

Ambiance La visite d’un ministre d’accord, mais après… Après avoir écouté les mots rassurants du secrétaire d’État à l’Aménagement du ter- ritoire, les élus locaux et les industriels attendent maintenant des actes.

L a visite d’Hubert Falco, secrétaire d’État à l’Aménagement du territoire,était attendue par les élus locaux inquiets du déséquilibre économique qui se creuse entre la France et la Suisse. Pour Annie Genevard, maire de Mor- teau, cette rencontre est une petite victoire. C’est la preuve que le gouvernement a enfin entendu l’appel à l’aide lancé par les collectivités locales qui se démènent depuis longtemps pour tenter d’alerter des pouvoirs publics français et européens sur la situation qui se joue sur la bande fronta- lière. “Cela fait des mois maintenant que l’on essaie d’attirer l’attention des pouvoirs publics du plus haut niveau. Nous sommes heureux que le ministre soit venu se pencher sur cette ques- tion du territoire transfrontalier” a indiqué le 5 juin Annie Genevard. Les entrepreneurs invités à échanger ce jour- là avec le représentant du gouvernement ont aussi le sentiment d’avoir été écoutés. “Je crois que les élus locaux, nationaux et les participants ont bien retranscrit la problématique locale au ministre. Il n’y a pas eu d’ambiguïté” observe Claude Bourbon, directeur de la société Bour- bon Automobile à laquelle appartient Fabi. De part et d’autre, le satis- fecit est unanime ou presque. Mais, en coulisses, tous redou- tent que l’enthousiasme qui auréolait cette visite aux contours institutionnels ne finisse par se dégon- fler comme un soufflé. Hubert Falco a su trouver les mots pour expri- mer à quel point il était sensible à la question transfrontalière. En revanche, il fut moins loqua- ce sur les moyens d’action dont dispose la Fran- ce et l’Europe. Il fut encore plus flou sur les délais dans lesquels les pouvoirs publics peuvent agir concrètement pour rétablir un équilibre écono- mique sur la bande frontalière. Craignons qu’Hubert Falco ait dit à ses interlocuteurs ce qu’ils voulaient entendre, quant aux solutions, on verra plus tard. “Notre territoire est en effet en bonne santé. Mais il faut savoir aussi détec- “Détecter les signes avant- coureurs d’un déséquilibre.”

Hubert Falco : “Nous ne sommes pas en guerre contre la Suisse.”

Hubert Falco a visité l’entreprise Fabi.

ter les signes avant-coureurs d’un déséquilibre. Le mouvement des délocalisations est enclenché” complète Annie Genevard. C’est pour éviter la fuite des entreprises et de la main-d’œuvre en Suisse que les collectivités locales veulent un geste fort des pouvoirs publics. Le problème est que le temps de l’économie n’est pas celui de l’action politique et administrative. “Nous nous adaptons constamment aux contraintes de ce territoire. Dans l’industrie, nous devons prendre des décisions dans les six mois alors que les pouvoirs publics ont des délais de trois à cinq ans” lâche d’un ton désabusé un industriel à la sortie de la réunion. Si rien n’est fait d’ici cinq ans, il est certain que la situation économique de la bande fron- talière se sera encore dégradée à un rythme pro- portionnel aux perspectives exceptionnelles de croissances affichées par les entrepreneurs hel- vétiques. T.C.

* renseignements en magasin

MORTEAU - 20 Grande Rue 03 81 67 81 50 MAICHE - 4 rue Montalembert (à côté du fleuriste) 03 81 64 01 32

Une table ronde s’est tenue au château Pertusier entre Hubert Falco, les élus locaux et nationaux, et les entrepreneurs.

Made with FlippingBook HTML5