Journal C'est à Dire 133 - Juin 2008

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V A L D E M O R T E A U

Des interrogations subsistent autour de la villa Bougaud Histoire C’est dans cette maison mortuacienne de la rue de l’Helvétie que le commande- ment allemand avait établi son quartier général pendant la guerre. Au moment de Libération, les archives qu’il abritait auraient disparu pour éviter les représailles.

L’ histoire n’a pas laissé de traces visibles. Seule la plaque commémorative posée en limite de pro- priété,ruedel’Helvétie,indiqueque lavillaBougaudestlesymboledela Libération de Morteau.Le 24 août 1944,le bâtiment dans le lequel la Kommandantur avait établi son quartier général, est tombé aux mains de la résistance au terme d’un combat durant lequel le capitaine Hoffmann qui com- mandait les forces allemandes

dans leVal de Morteau a été bles- sé. “Une quarantaine de soldats était retranchée dans le périmètre de la villa Bougaud protégée par des barbelés et un mirador ins- tallé sur le toit de la ferme voi- sine. Quand les Allemands ont vu que leur capitaine était bles- sé, ils se sont rendus” avant d’être faits prisonniers se souvient Robert Samson,dont le père Jean a participé à l’assaut.Lui n’avait que 17 ans à l’époque. Pour se protéger du feu de la

mitrailleuse postée dans le mira- dor, les résistants, une trentai- ne au total emmenée par le capi- taine Batelier, se seraient abri- tés derrière les maisons envi- ronnantes. Selon Robert Sam- son, il semblerait que le capitaine Hoffmann en personne tenait l’arme automatique qui visait les maquisards. Cet officier allemand est un per- sonnage ambigu. “Il n’avait pas la réputation d’un belliciste” esti- me Henri Leiser, spécialiste de

La bâtisse est située à l’entrée de Morteau depuis Villers-le-Lac.

l’histoire locale.Plusieurs témoi- gnages confirment le comporte- ment de ce militaire qui, paraît- il, faisait preuve de clémence à l’égard de la population locale. “Ce n’était pas un foudre de guer- re, c’est vrai. Il n’était pas har-

le rapide combat, durant lequel aucun maquisard n’a été tué, l’homme a été transporté à l’hôpital de Morteau pour y être soigné. Devant la gravité des plaies, il sera transporté à l’hôpital du Locle par les F.F.I.

sans représailles sur la popula- tion locale.” La prise du siège local de la Kom- mandantur ne s’est pas arrê- tée à un combat.Une fois débar- rassé de l’occupant, le bâtiment aurait été visité pas des Mor- tuaciens “qui n’étaient pas des résistants” raconte Robert Sam- son. Il s’agissait de personnes qui auraient collaboré avec l’ennemi, et dont les lettres de dénonciation étaient consignées dans ces bureaux. “On l’a beau- coup dit à l’époque mais cela n’a jamais été prouvé.” Selon Henri Leiser, “les archives auraient en effet été emmenées par les résis- tants et détruites” afin d’éviter sans doute un lynchage en règle au sein de la population du Val de Morteau.C’est sur cette incon- nue que s’est refermée la page d’histoire de la villa Bougaud.

L’histoire raconte que “c’est un chirurgien juif qui l’aurait opéré.” Cer- taines disent qu’il aurait refusé d’être pris en charge par ce méde- cin compte tenu de ses

gneux. Plusieurs fois il m’est arrivé de le croi- ser, auxArces,alors qu’il promenait seul son chien. Moi, j’étais à vélo et je partais rejoindre le maquis” se souvient

“C’est un chirurgien

juif qui l’aurait opéré.”

Robert Samson. Il avait la répu- tation d’être un bel homme, déambulant parfois dans les rues de la ville en veste blanche. “Il a d’ailleurs eu une maîtresse atti- trée à Morteau…” Malgré cette clémence apparente, c’est lui qui aurait ouvert le feu sur les résistants qui prenaient la villa Bougaud. “Était-ce peut- être par honneur militaire ?” s’interroge Robert Samson.Après

origines, d’autres témoins de la scène à l’époque auraient décla- ré le contraire. Toujours est-il que le capitaine Hoffmann est décédé des suites de ses blessures quelques jours plus tard. Avant de mourir, il aurait donné pour consigne aux forces allemandes qui ont effectué un retour offen- sif le 25 août à Morteau, au len- demain de l’attaque de la villa Bougaud, “de passer leur chemin

T.C.

La villa Bougaud est tombée le 24 août 1944.

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