Journal C'est à Dire 133 - Juin 2008

L E P O R T R A I T

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Les combats d’un retraité rebelle Aujourd’hui en retraite, Louis Rougnon-Glasson a repris de plus belle les combats qu’il mène depuis sa jeunesse : la lutte contre la pensée unique. Son regard sur le système éducatif est sans pitié. Ses luttes l’amènent sur des terrains aussi variés que de l’orthographe ou la cogénération. Montlebon

S ous l’air peinard du per- sonnage se cache un rebelle. Les apparences sont trompeuses. Le petit séminaire, un C.A.P.E.S. puis une agrégation de sciences physiques, toute une carrière d’enseignant sans histoires. Mais sous les courbes régulières de cette vie professionnelle bout toujours un tempérament de contestataire. Louis Rougnon- Glasson est un faux placide. Premier indice : sa démission du petit séminaire dès l’âge de 17 ans. “On avait peur que les jeunes soient trop malins alors on les bourrait de latin, de grec et d’orthographe. L’éco- le était, et est toujours au ser- vice de la paix sociale. Notre sys- tème d’éducation aboutit à ce que l’on cautionne finalement cette société très inégalitaire” analyse-t-il. L’ancien prof de physique est plutôt sévère avec le système : “Avant mai 1968, on a fait une réforme ratée de l’Éducation nationale. Cela nous a notamment valu les maths modernes et la méthode globa- le, des catastrophes. On a cassé l’école de Jules Ferry” avance l’enseignant en retraite depuis quatre ans. Après avoir claqué la porte du séminaire, il passe deux ans à Maîche à l’école Montalembert puis part à Besançon. Il décroche

à Victor Hugo son Bac litté- raire, spécialité latin et grec. Pas mal pour un futur prof de physique… “Nous étions à une époque, le début des années soixante, où on avait besoin de beaucoup d’ingénieurs. J’ai donc décidé de me reconvertir.” Le déclic pour le métier d’ensei- gnant, il ne l’aura pas vraiment eu. “Les vocations dans l’ensei- gnement ? C’est du bidon” tranche-t-il.L’agrégation en poche - il était un des rares à l’époque dans le Haut-Doubs à avoir ce

ze à s’apercevoir que les maths modernes, ce n’était pas le bon choix. L’Éducation nationale souffre d’un manque d’analyse, on est allé trop loin dans le sens de la démagogie.” Parallèlement à sa carrière som- me toute assez calme d’ensei- gnant, c’est sur d’autres fronts que Louis Rougnon-Glasson por- te le fer depuis des décennies. Que ce soit pour promouvoir le chauffage à faible production d’entropie - les pompes à chaleur et la cogénération,c’est-à-dire la

s’écrit “foto”. Des incohérences comme celle-là, il y en a des dizaines” illustre-t-il. Il milite aujourd’hui pour la création d’un alphabet phonétique français qui permettrait,selon lui,d’avoir “un moyen pratique d’indiquer la prononciation normale des mots en français. Si on veut fai- re une belle réforme, il faut enri- chir l’alphabet” pense-t-il. Pour lui, une des raisons de l’échec scolaire et des écarts de niveau faramineux entre certains élèves, c’est cette ségrégation par l’or- thographe. Les meilleures recettes de l’enseignement,il faut aller les chercher en Finlande selon lui. Grâce désormais à Internet, ses théories sont vues par un millier de personnes chaque jour. Et elles suscitent,au mieux une réaction narquoise, au pire la colère des “bien-pensants”. Mais elles ne laissent jamais indifférent. Après tout,c’est certainement ce qu’il cherche Louis Rougnon- Glasson. Son vrai dada, c’est le combat contre ce qu’il pourrait considérer comme le mal de ce siècle : la pensée unique. “Je me positionne en provocateur avoue- t-il. C’est une pédagogie alter- native destinée à contourner la censure.” Son plus grand plaisir : provoquer le débat.Pari gagné. ■ J.-F.H.

diplôme -, il débute sa carrière d’enseignant au lycée technologique de Pontarlier, avant de faire une escale dans l’Ain, puis de revenir dans le Haut-Doubs où il passera la presque

production simultanée d’électricité et de cha- leur - ou pour défendre sa vision de l’ortho- graphe simplifiée. Ce combat contre le diktat de l’orthographe française, il l’a démar-

“L’Éducation nationale souffre d’un manque d’analyse.”

totalité de sa carrière. Collège de Morteau, puis lycée dès son ouverture en 1988. Avec le recul et la “sagesse” du retraité, Louis Rougnon-Glas- son garde un jugement assez tranché sur les méthodes péda- gogiques. “On faisait parfois mousser avec de la pédagogie spectacle sans vraiment régler les problèmes de fond. De toute manière, si on avait eu de vrais débats de fond dans l’Éducation nationale, on ne ferait plus des bêtises totalitaires aussi long- temps. On a mis plus de quin-

ré au début des années quatre- vingt. Au collège de Morteau où il n’hésitait pas à faire du pro- sélytisme en faveur de l’asso- ciation “ortograf sinplifié” qu’il avait créée, il ne s’est pas fait que des amis. Aujourd’hui, c’est par le biais d’Internet qu’il dif- fuse ses idées, à contre-courant du flux. Ses sites - ortograf.fr ou alfograf.net - font débat sur la toile. “Pourquoi s’acharne-t-on à défendre certaines règles absurdes,parfois au nom de l’éty- mologie ? En français, on écrit “photo” alors qu’en italien, ça

L’orthographe simplifiée est son cheval de bataille depuis 25 ans.

www.patrickmetz-sa.fr

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