Journal C'est à Dire 133 - Juin 2008

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L A P A G E D U F R O N T A L I E R

Économie Un manifeste pour un emploi transfrontalier Le Forum Transfrontalier vient de rendre un manifeste dans lequel figure une série de mesures dont le but est de tendre à un développement homogène du ter- ritoire franco-suisse. Un des points de repères est l’emploi.

Phénomène Les Français viennent acheter leur diesel en Suisse

On savait la Suisse meilleur marché pour le plein de sans-plomb. Mais depuis l’envolée des cours, il devient parfois plus avantageux de faire son plein de gasoil à la frontière. Les stations suisses confirment.

taxée. Elle n’arrive que 6 ème du classement européen des plus fortes T.V.A. (0,31 euro par litre) et 2 ème des plus fortes taxes pétro- lières derrière le Royaume-Uni (0,69 euro par litre). Les Hollandais sont également ceux qui payent leur sans-plomb 98 le plus cher en Europe. En Belgique, le sans-plomb 95 est facturé 1,56 euro/litre et le diesel 1,40 euro.En cumu- lant une taxe sur les produits pétroliers de 69 centimes d’euro par litre et uneT.V.A. de 33 centimes d’euro (21 %), la Belgique arrive en seconde position du classement des pays de l’Union européenne. En Italie, l’essence est également plus chè- re qu’en France. Le sans-plomb 95 était mi- mai à 1,48 euro/litre, le sans-plomb 98 à 1,56 euro/litre et le diesel à 1,53 euro. Contrairement à l’Espagne,qui reçoit chaque semaine des centaines d’automobilistes de T.V.A. et 56 centimes de taxe pétrolière. Autre voisin de la France où l’essence est plus chère : l’Allemagne avec un sans-plomb 95 à 1,45 euro et un diesel à 1,38 euro. L’Allemagne a pourtant un taux de T.V.A. proche de celui de la France (19 % soit 0,28 euro par litre) mais une taxe pétro- lière supérieure de 5 centimes (0,65 euro par litre). Un écart qui suffit à faire la différence, le prix du brut étant sensible- ment identique partout en Europe. Avec un sans-plomb 95 à 1,19 euro le litre et le diesel à 1,02 euro, l’Espagne reste la championne du carburant bon marché en Europe occidentale. Le secret de cette bon- ne place pour les Espagnols :uneT.V.A.modé- rée (16 % soit 0,19 euro) et un niveau de taxe très faible par rapport à leurs voisins euro- péens (0,40 euro). Mais des 27 pays de l’Union, c’est Chypre qui détient la palme de l’essence la moins chère. La directive 2004/75/CE rend possible, pour Chypre, l’application à titre tempo- raire des niveaux réduits de taxation. L’île peut donc déroger auminimumde 0,359 euro de taxe pétrolière imposé par l’Union. Avec 0,30europrélevédanscedomaineet0,16euro prélevé au titre de laT.V.A.,Chypre est donc le champion d’Europe de la fiscalité la plus basse.Ce qui lui permet d’être également le champion de l’essence pas chère avec un litre de super 95 est vendu 1,04 euro.Seulement, c’est un peu plus compliqué pour aller fai- re son plein là-bas… français à la recherche d’essence bon marché, l’Italie est dans le peloton de tête des pays où l’essence est la plus chère. Les Ita- liens s’acquittent de 75 centimes d’euros de taxe pour chaque litre d’essence consommé : 29 centimes

L e 22 mai,le litre de gasoil était affiché à 2,13 F.S.dans cette station des Bre- nets, soit 1,40 euro le litre. À peine moins cher qu’en France où dans les stations duVal deMorteau,le seuil des 1,40 euro avait déjà été franchi. Mais l’écart a déjà été plus important, en fonction du taux de change entre le franc suisse et l’euro. Si bien que les automobilistes français ont pris l’habitude depuis plusieurs mois de franchir la fron- tière pour remplir le réservoir de leur véhi- cule diesel. “Nous avons commencé à voir des Français faire leur plein de gasoil dès le mois de novembre car le cours de l’euro était très haut confirme-t-on à la station Tamoil des Brenets. En plus, les Français affirment qu’ils font plus de kilomètres avec un plein fait en Suisse” Le diesel y serait- il de meilleure qualité ? “Je viens faire le plein de gasoil” confirme cet automobilis- te au volant de son gros 4 X 4. La clientè- le de cette station est composée “à 70 % de Français” avoue la responsable. Depuis janvier,le prix du diesel suisse,pour- tant réputé cher jusque-là, a augmenté moins vitre qu’en France,si bien qu’il devient avantageux. D’après les responsables de

stations helvétiques, même quand le diesel était plus cher en Suisse, certains Français avaient pris l’habitude de faire la moitié de leur plein en Suisse, prétendant que le die- sel suisse est mieux protégé contre le gel. Mise à part la Suisse, qui n’est pas dans l’Union Européenne, combien paient nos autres voisins européens ? Les Français croient souvent qu’ils sont les plus taxés sur l’essence. C’est faux : avec une T.V.A. à 19,6 % (0,28 euro par litre) et une taxe pétrolière de 0,60 euro par litre de sans- plomb 95, la France est 9 ème du classement des pays de l’Union où l’essence est la plus chère. Elle a même perdu une place en 3

C ommentenvisagerle déve- loppement économique de l’Arc Jurassien pour qu’il serve à la fois les intérêts de la FranceetdelaSuisse?“Le mani- feste pour un emploi transfron- talier” apporteundébutde répon- se à cette question.Ce document présentélesamedi24maià Mor- teau est le fruit d’une réflexion engagée dans le cadre du Forum Transfrontalier.Il réunit un cer- tain nombre de personnalités du monde économique et politique suisses et françaises, qui ont débattu du sujet lors d’un cycle de conférences organisé au Club 44 de La Chaux-de-Fonds depuis septembre 2007. Le principe de cette démarche est de trouver le moyen d’oxygéner des régions comme Morteau et Pontarlier dont le Le ForumTransfrontalier signe donc une série de propositions pour un co-développement de l’emploi déclinées en sept grands thèmes dont la fiscalité,la mobi- lité des salariés ou encore la concurrence entre les tra- vailleurs français et suisses. Pour tendre à l’équilibre, le manifeste suggère par exemple “une suspension pendant trois ans de la prospection des entre- prises franc-comtoises par les services cantonaux de promo- tions économiques en vue de leur implantation en Suisse.” Il invi- te aussi à une suspension durant trois ans “du débauchage actif des compétences de Franche- Comté de la part des agences d’emplois temporaires, des ser- vices cantonaux de promotion économique et des entreprises suisses.” Ce document prône aussi la “fidélisation de la main- d’œuvre dans les entreprises tissu économique s’étiole sous l’effet de la fuite de sa main- d’œuvre en territoi- re helvétique et maintenant de ses entreprises.

françaises qui implique une modification du droit français” ou encore “une association de l’horlogerie et de la microtech- nique franc-comtoise aux démarches et à l’évolution du Swiss made et du Swissness” (label visant à renforcer la pro- tection du nom Suisse). Ces mesures d’une efficacité cer- taine si elles étaient appliquées semblent néanmoins impro- bables dans le contexte d’une économie mondialisée qui don- ne à la Suisse d’excellentes pers- pectives de croissance. Pour les industriels helvétiques des mon- tagnes neuchâteloises, veiller au dynamisme des bassins d’emplois de Pontarlier et Mor- teau n’est pas une priorité. D’ailleurs, comment les empê- cher de recruter de la main- Doubs ? Comment dissuader un industriel tricolore d’investir en Suisse où la fiscalité lui est plus avantageuse ? Et quand bien même les pro- positions faites dans le Mani- feste étaient appliquées, peut- on affirmer que le Haut-Doubs renouerait avec la prospérité industrielle qu’il a connue ? Pas sûr.La Suisse porterait-elle donc le chapeau de tous nos maux depuis 15 ans ? N’est-ce pas plu- tôt son dynamisme qui nous renvoie à nos propres lacunes et aux propres failles de notre système ? En tout cas les suggestions avancées par le Forum Trans- frontalier ont le mérite d’exister. La balle est cette fois-ci dans le camp des élus qui ont à les fai- re avancer sur la scène politique suisse,française et de façon plus délicate européenne. T.C. d’œuvre qualifiée qui vient mainte- nant des quatre coins de la France et pas seulement des filières de for- mation du Haut-

ans, malgré la montée vertigineu- se des cours : en 2005, la France était 8 ème avec un prix du super 95 à 1,33 euro. Ce sont les Pays-Bas qui étaient, à la mi-mai 2008, les champions de l’essence la plus chère.Avec un prix

L’Espagne reste la championne du carburant.

moyen de 1,63 euro par litre, le prix du sans-plomb 95 a augmenté de 10 centimes en trois ans selon l’Union Internationale des transports routiers. La Hollande n’est pourtant pas le pays ou l’essence est la plus

“Une association de l’horlogerie et de la microtechnique.”

J.-F.H.

Ce Français, comme beaucoup d’autres, vient faire son plein de gasoil en Suisse.

Comment empêcher la main-d’œuvre d’aller travailler en Suisse ? (photo archive Càd).

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