Journal C'est à Dire 130 - Février 2008

A G R I C U L T U R E

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Alerte campagnols : du jamais vu sur le Haut-Doubs Les conditions climatiques de 2007 se répercutent aujourd’hui par des phases de pullulations sans précédent dans le Saugeais, sur le Plateau de Maîche et surtout autour de Pontarlier. Agriculture

À défaut de neige, c’est la tau- pinière qui tient la vedette sur les surfaces herbagères. Cet- te densité de monticules rare- ment observée en cette période de l’année traduit la présence de l’ennemi public des agriculteurs locaux : le campagnol. Activité confirmée sur l’ensemble du Haut-Doubs mais à des degrés variables. “Vers Maîche-Charquemont, on est plutôt sur la fin d’un cycle qui se renouvelle tous les 5 à 6 ans. Le phé- nomène est en cours de démarrage du côté de Montbenoît et du canton de Noze- roy. En ce moment, la situation la plus critique concerne les secteurs de Levier et Pontarlier en pleine phase de pullu- lation” , observe Dominique Gabry, char- gé de mission à la Fredon (cet organis-

me chargé de coordonner la lutte contre le campagnol en Franche-Comté a vu ses effectifs passés de 9 à 3 personnes en quelques mois. Restrictions budgé- taires obligent.)

judiciable à la faune non-cible. Les agri- culteurs sont globalement d’accord sur ce point. D’ailleurs, un arrêté préfec- toral interdit toute utilisation de bro- madiolone sur une parcelle infestée

Les précédents pics de pul- lulation sur la zone la plus touchée remontaient à 1997 et 2003. Le fléau est récur- rent mais il se distingue cet- te année par son intensité.

à 50 %, ce qui correspond approximativement à une den- sité proche de 400 et 500 cam- pagnols/ha. “L’arrêté comprend néanmoins une mesure de res- triction réservée aux seules

Jusqu’à 800 campagnols à l’hectare.

“Lors d’un piégeage effectué l’automne dernier, on a relevé une densité de 800 campagnols à l’hectare. Il n’y a plus grand-chose à faire à ce stade sinon attendre que le problème se résorbe de lui-même.” Pas question de renouveler les trai- tements chimiques à haute dose si pré-

exploitations engagées dans la lutte préventive” signale le chargé de mis- sion. Qu’est-ce qui peut expliquer l’ampleur de cette catastrophe herbagère ? Une année 2007 particulièrement propice avec l’accumulation de tous les facteurs favorables. Le printemps assez sec a rendu le sol trop dur au passage de la charrue utilisée pour enfouir les graines de bromadiolone. L’abondance de pluie a provoqué une pousse d’herbe rapide, impossible à récolter à cause de l’humidité. De quoi offrir le gîte et le couvert aux rongeurs également pro- tégés des prédateurs grâce à la hau- teur du couvert végétal. “Le démarra- ge de la lutte a commencé seulement à partir de la mi-août.” Les vagues successives de gel ne sem- blent pas déranger outre mesure le rongeur qui a toujours fait preuve d’étonnantes facultés d’acclimatation. Le cadre réglementaire préconise donc la lutte préventive. Elle s’avère d’autant plus efficace quand elle est organisée collectivement comme c’est le cas à Charquemont où un groupement d’agriculteurs a embauché un piégeur. “Il intervient en combinant piégeage et lutte raisonnée. Cela a un coût mais aujourd’hui, ils s’y retrouvent.” À Charquemont, d’autres ont testé aus- si l’effet labour avec un système de rota- tion plus poussé. L’expérience semble assez probante. Le gazage des taupes au PH3 donne aussi de bons résul- tats. Cette technique tend à se dévelop- per même si elle nécessite pas mal de précautions. Quoi qu’il en soit, il semble difficilement envisageable d’éradiquer complètement un fléau qui s’est développé parallèle- ment aux préconisations d’une P.A.C. privilégiant la spécialisation herbagè- re à la mosaïque de cultures. L’Europe a imposé à chaque pays membre de maintenir une part des surfaces tou- jours en herbe. Une directive appliquée en France là ou ça gênait le moins, donc en moyenne montagne. Si le massif jurassien et l’Auvergne sont les plus touchés, ce n’est certainement pas un hasard. Les conséquences sont visibles et laissent aujourd’hui planer de sérieuses inquiétudes sur les pro- chaines récoltes fourragères. F.C .

À certains endroits du Haut-Doubs, c’est un spectacle de désolation.

Les techniques de gazage du cam- pagnol se révèlent assez efficaces.

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