Journal C'est à Dire 124 - Juillet 2007

L E P O R T R A I T

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Armand Schmitt : 60 ans de sacerdoce À 89 ans, l’abbé Schmitt exerce toujours son offi- ce dans le Haut-Doubs, aux Hôpitaux-Neufs et dans les communes environnantes. Les temps évoluent. Mais la foi reste intacte chez ce curé de campagne qui a séjourné à Villers-le-Lac, com- mune dont un des frères a longtemps été curé. Deux frères prêtres

aidant, l’abbé Schmitt éprouve le besoin de se ménager. Lui qui enchaînait autrefois jus- qu’à trois messes dominicales sur trois paroisses différentes, a réduit peu à peu son ryth- me de travail. Il s’efforce désor- mais de maintenir assez régu- lièrement des offices aux Hôpi- taux et à Métabief notamment. Originaire de la Meuse, ce fils de cheminot a ressenti l’appel de Dieu quand il était enfant. Au fil des affectations de son père, la famille Schmitt se retrouve en Haute-Saône. “Je suis entré au petit séminaire de Luxeuil à l’âge de 11 ans.” Il poursuit son parcours clérical à Faverney puis au grand sémi- naire à Besançon. La mobili- sation l’empêche d’achever sa

quatrième année d’étude théo- logique. Constitué prisonnier, il travaille alors pendant cinq ans dans les hauts-fourneaux de la Ruhr. Une période de pri- vation vécue dans la crainte de bombardements alliés dont l’ob- jectif vise à détruire l’arsenal industriel allemand. Libéré en 1945, il termine ensui- te sa formation. Après son ordi- nation en 1947, il devient vicai- re à l’église de la Madeleine à Besançon. Chez les Schmitt, la prêtrise constitue une vraie affaire de famille. Deux des trois frères d’Armand sont religieux. “Le premier était missionnaire chez les pères blancs. Le second a exercé en Franche-Comté. Il a été vicaire à Villers-le-Lac.” De Besançon, l’abbé Schmitt

“E n principe, je devrais être en retraite depuis quelques années. Je préfère rester en activité dans la mesure où je me sens suffi- samment en forme pour ça.” Conscient qu’il sera probable- ment le dernier prêtre installé à demeure aux Hôpitaux-Neufs, Armand Schmitt tient à offi-

cier le plus longtemps possible au service de ses ouailles. Et dire qu’à son arrivée en 1966, l’unité paroissiale comptait 16 curés. Ils ne sont plus qu’une poignée aujourd’hui. Dans le Haut-Doubs comme ailleurs, l’Église catholique subit une crise de vocation religieuse. Elle voit également le nombre de ses fidèles diminuer. L’âge

Après 60 ans au service de Dieu, l’abbé se sent encore suffisamment vaillant pour continuer.

part ensuite à Rigney puis dans d’autres paroisses alentour. Il s’implique également dans l’en- cadrement de centre de vacances. “Au début des années cinquante, on animait des colo- nies du côté du Pissoux, dans une propriété du grand sémi- naire. Peu de gens s’en sou- viennent mais on fonctionnait encore avec des tickets de ration- nement.” Histoire d’améliorer l’ordinaire de ses pensionnaires, il lui arrivait parfois de les accompagner faire quelques provisions de nourriture en sa nomination aux Hôpitaux- Neufs en 1966. “La station com- mençait tout juste à se déve- lopper. Métabief comptait seu- lement 120 habitants. Les choses ont bien évolué depuis” , indique- t-il avec une pointe de nostal- gie dans la voix. À cette époque, il connaissait pratiquement tous les foyers des communautés vil- lageoises qu’il desservait. Les églises du secteur affichaient souvent complet avec l’arrivée des premiers adeptes des sports d’hiver. Les moyens de dépla- cements n’étaient pas les mêmes. “J’ai circulé longtemps en moto. J’ai attendu 5 ans avant d’avoir ma première 2 C.V.” Dans ces circonstances, c’était parfois épique de sor- tir en plein hiver rendre par exemple les derniers sacre- ments. Armand Schmitt se souvient d’excursions en compagnie du médecin du village qui s’ache- vaient au petit matin. Les uni- tés paroissiales n’étaient pas encore aussi structurées que maintenant. Le curé de la paroisse assurait un peu toutes Suisse. Ses premiers séjours dans le Haut- Doubs remontent à cette époque. Amateur de ski, plus proche du monde rural que de la ville, il accepte volontiers

les missions qui incombaient à sa charge. Il mettait également ses compétences au service de la population. “Je me suis long- temps occupé de la mutuelle agricole. Jusqu’à l’an dernier, je m’investissais dans les acti- vités du ski-club.” Il se conten- te maintenant de gérer la cho- rale. Les rapports avec la population ont bien changé avec l’essor du travail frontalier. Attirés par l’eldorado suisse, les nouveaux habitants ne cherchent pas vrai- ment à s’intégrer. “On les sent moins attachés au pays” , constate côtoyer entre les baptêmes, com- munions, mariages et enterre- ments. Il n’oubliera pas de sitôt ce dimanche 1 er juillet 2007 quand les élus locaux et les paroissiens se sont mobilisés à l’occasion de son jubilaire. Un souvenir émouvant qui s’ajou- te à la cérémonie organisée le vendredi précédent à Besançon en présence de plusieurs évêques. La grande famille catholique se réunit générale- ment à cette date qui corres- pond aux ordinations des nou- veaux prêtres formés au grand séminaire. De quoi réchauffer le cœur de cet homme de foi qui fut victime il y a quelque temps d’une ignoble agression qui l’a profondément marquée. Suite à cet événement, des systèmes de sécurité et de protection équi- pent portes et fenêtres du pres- bytère. Comme quoi, la vie d’un curé de campagne aussi res- pectable soit-il n’est pas aussi tranquille qu’il n’y paraît. On peut s’acclimater à beaucoup de choses mais rarement à la bêtise humaine. ■ F.C. Armand qui entretient plus de relations avec les familles autoch- tones. En 40 ans, il a eu bien des occasions de les

Plus proche du monde rural que de la ville.

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