Journal C'est à Dire 124 - Juillet 2007

D O S S I E R

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Annie Genevard : “Faisons preuve d’imagination” Réaction La présidente du Pays Horloger refuse de tomber dans la fatalité, mais veut mobiliser les autorités compétentes dans les meilleurs délais pour donner un second souffle au Haut-Doubs.

C’ est à dire : Les accords bilatéraux accéléreraient la fui- te de la main-d’œuvre et des capitaux vers la Suisse. Quel est votre point de vue ? Annie Genevard : Nous sommes limitrophes avec un pays non-membre de l’Union Européenne. Cela dispense la Suisse de l’observance d’un cer- tain nombre de règles auxquelles nous sommes soumis. C’est tou- te la question de l’aide aux entre- prises et de la fiscalité helvé- tique. Ce point a été négligé à mon sens dans la négociation des accords bilatéraux. Les dif- ficultés étaient prévisibles. Le gouvernement français a man- qué de vigilance et de clair- voyance dans ce dossier. Les accords ne sont en effet pas équi- librés. Cela génère une distor- sion de concurrence entre la France et la Suisse, qui met aus- si en valeur le manque de com- pétitivité de notre pays. Càd : Comment est-il possible de stopper l’hémorragie de la main-d’œuvre vers la Suis- se ? A.G. : Nous sommes dans une situation difficile sur la bande frontalière car la main-d’œuvre manque. L’activité industrielle dans nos entreprises est por-

teuse, le problème est de savoir comment on peut accompagner ce dynamisme quand la main- d’œuvre manque. Sur ce point, je pense qu’il faut arrêter de rai- sonner en territoire clos. Le pays de Montbéliard a un taux de chô- mage à 12 %, n’est-il pas pos- sible de faire venir cette main- d’œuvre sur le Haut-Doubs ? J’ai rencontré les services de l’A.N.P.E. de Montbéliard pour qu’ils réfléchissent à cette piste. Càd : Le renforcement du “Swiss Made” joue en défa- veur du Haut-Doubs ? A.G. : Nous sommes face à un

car chacun a son rôle à jouer. Les élus locaux observent depuis longtemps cette tendance, mais ce n’est pas nous qui négocions les accords bilatéraux. Càd : Il y a tout de même un certain nombre de raisons d’être pessimiste ? A.G. : On a quand même un ter- ritoire bénit. Je ne sais pas ce que serait la Suisse sans la Fran- ce. Nous avons par exemple des outils de formation reconnus, Besançon a des microtechniques. Ce territoire n’est pas mono- industrie. Si on fait abstraction de la frontière, nous sommes gâtés. Mais si on n’y prend pas garde, les éléments de déséqui- libre peuvent être très pervers. Je me battrai pour que le Pays Hor- loger ne devienne pas une zone dortoir. Je me battrai pour que cette situa- tion ne s’aggrave pas. Càd : Mais de quels outils dis- posez-vous pour dynamiser l’industrie locale et fixer la main-d’œuvre sur le Haut- Doubs ? Des élus veulent fai- re de ce secteur une zone franche avec le lot d’avan- tages fiscaux qui accom- pagne ce genre de dispositif.

problème qui est lié à l’évolution de l’indus- trie horlogère suisse et notamment à la régle- mentation du “Swiss made” qui se durcit. Les industriels helvétiques demandent désormais

“Je réfléchis actuellement à une crèche inter- entreprises.”

Annie Genevard : “Il faut sortir de l’état de fatalité qui nous plombe afin que l’on puisse faire valoir nos atouts.”

Qu’en pensez-vous ? A.G. : La zone franche est peu probable car nous n’avons pas un taux de chômage suffisam- ment élevé pour entrer dans ce dispositif. Càd : Alors de quelle mar- ge de manœuvre disposez- vous ? A.G. : L’objectif est de convaincre qu’il y a des avantages à tra-

à leurs sous-traitants d’instal- ler leur activité en Suisse, s’ils veulent continuer à travailler pour eux. Cela fait partie des difficultés majeures sur les- quelles j’alerte les autorités com- pétentes. On ne peut pas rester les bras croisés sur cette situa- tion. J’ai interpellé l’État, le ministère du Travail avant l’élec- tion présidentielle, le Conseil régional et le Conseil général

vailler en France. Il faut sor- tir de l’état de fatalité qui nous plombe afin que l’on puisse fai- re valoir nos atouts. Faisons preuve d’imagination dans les services aux salariés mis en pla- ce par les entreprises. Par exemple, je réfléchis actuelle- ment à une crèche inter-entre- prises. Il faut ensuite trouver un dispositif qui nous permet- te de donner aux sociétés des

avantages fiscaux et financiers. Si ce n’est pas la zone franche, et bien ce sera autre chose. Càd : Quel est le degré d’ur- gence pour agir ? A.G. : L’urgence, c’est la ren- trée. ■

Propos recueillis par T.C.

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