Journal C'est à Dire 121 - Avril 2007

D O S S I E R

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SCIENCES OCCULTES : enquête sur le Haut-Doubs

à contacter, ces personnes cherchent peu à s’afficher ouvertement. Elles tai- sent systématiquement l’identité des personnes sollicitant leur aide. D’où leur vient ce don, cette sensibilité si particulière ? Ils ont souvent découvert cette facul- té de manière fortuite en soignant À la rencontre des magnétiseurs, guérisseurs et géobiologues locaux Enquête Tutoyant sans jamais se confondre avec la médecine reconnue, ces pratiques à part sont toujours vivaces dans le Haut-Doubs. Sans être un phénomène de société à la mode, le sujet revient occasionnellement dans les conversations. Certains y croient, d’autres pas, tous en ont entendu parler. Mystère oblige, beau- coup d’histoires courent sur des guérisons inexpliquées, des arnaques notoires. Qu’en est-il vraiment ? Les professionnels se comptent sur les doigts de la main Ambiguïtés autour du statut T out un chacun peut s’installer à son compte, encadrer des for- mations en tant que guérisseur, simple brûlure à la recherche à dis- tance d’une vache, d’un chat égaré. Les professionnels se comptent sur les doigts de la main, à l’instar de Michel Patte qui exerce tous les mardis au res- taurant de la Grotte à Remonot. Entre- preneur dans le bâtiment à Épenoy, Robert Guyot applique les fondements Bien avant les progrès scientifiques de la médecine, on trouvait un peu partout des guérisseurs, rebouteux, sourciers qui mettaient leurs compétences au service de la population pour soigner mille petits maux, lever les brûlures, les zonas, remettre un nerf coincé en place, trouver de l’eau. Ces pratiques subsistent toujours dans le Haut-Doubs. Elles ont globalement peu évolué, restent discrètes, s’appuient essentiellement sur des sensibilités personnelles sans véritables fondements scientifiques, à l’exception peut être de la géobiologie qui intéresse, voire passionne une frange de la population. Si aucune étude ne permet de vérifier l’efficacité de ces mystérieux praticiens, toujours est-il qu’en étant toujours là, il faut bien leur reconnaître une certaine utilité. Dossier.

un proche, un animal, en côtoyant des personnes ini- tiées qui leur ont signalé cette prédisposition en les encourageant à poursuivre dans ce sens. Pour certains, c’est héréditaire à l’exemple de Michel Patte dont le père

de la géobiologie sur les constructions perturbées par des champs électriques ou électromagnétiques natu- rels ou artificiels. Mais une activité semble en perte de vitesse : la sour- cellerie. Autrefois, chaque

bio-énergicien, magnétiseur, géobio- logue… En France, les professionnels exercent à titre libéral et sont soumis au même régime fiscal. Ceux qui le dési- rent peuvent adhérer à diverses asso- ciations et syndicats professionnels. “L’adhésion se fait le plus souvent de bouche à oreille. On demande aux can- didats de remplir un dossier et de pas- ser des tests. On fédère une centaine de professionnels et il y en a autant d’autres qui font ça en complément” , souligne Sylvie Legros, la présidente du syndicat national de radiesthésie. Cet organisme s’est beaucoup investi dans la reconnaissance de cette pro- fession qui est inscrite au ministère du Travail. Les magnétiseurs n’ont pas encore droit aux mêmes égards com- me l’indique Brigitte Laforêt-Grimm, la présidente du G.N.O.M.A. : Groupe- ment National pour l’Organisation de la Médecine Auxiliaire. “Cette association a été fondée en 1951. Elle est consti- tuée de magnétiseurs et radiesthésistes. On se donne une ligne de conduite de grande qualité qui vise à distinguer les praticiens dignes de confiance de ceux qui n’ont pas forcément les com- pétences requises ou une éthique très honorable.” Le G.N.O.M.A. a créé en 1997 un syn- dicat de défense et d’information sur ces professions. La question de la recon- naissance des magnétiseurs en Fran- ce figure parmi ses objectifs. “Légale- ment, cela donne un statut, une dimen- sion supplémentaire. On se trouve régu- lièrement en face d’une barrière à chaque projet de modification de loi. Le gros hic, c’est quand le magnétiseur inter- vient au niveau de la santé même s’il n’est pas là pour prendre la place du médecin. On entreprend également des démarches au niveau européen dans l’idée de proposer une certaine har- monisation des réglementations. Les magnétiseurs sont reconnus par exemple en Allemagne ou en Angleterre.”

L a seule façon d’identifier les magnétiseurs ou guérisseurs procède du bouche à oreille. Ces gens-là figurent rarement dans les annuaires. On trouve quelques renseignements sur Internet. En inter- rogeant son entourage et quelques per- sonnes qu’on suppose intéressées par ces questions, on parvient assez faci- lement à dresser une liste plus four- nie qu’on ne le soupçonnait. C’est même étonnant de constater le nombre de

gens qui pour de multiples raisons ont, un jour ou l’autre, recours à leurs ser- vices. On pense d’abord aux leveurs de brû- lures, de zonas. Mais en creusant un peu, le champ est plus large, compre- nant pêle-mêle migraines, insomnies, maux d’estomac, de dents, sciatique, hernies, recherche d’objets, d’animaux domestiques. Puis en allant vers la géo- biologie, analyse des maisons, des exploi- tations agricoles. Relativement faciles

et le grand-père avaient déjà du flui- de. La plupart estime que chacun a en soi un potentiel. Quelques-uns sont spécialisés sur un thème : brûlures, zonas. Ils pratiquent généralement de façon occasionnelle. D’autres au contrai- re sont très impliqués comme c’est le cas de ce magnétiseur en retraite qui gère quatre à cinq cas par jour, de la

village abritait un ou plusieurs “cher- cheurs d’eau”. Avec l’eau à domicile, cette tradition tend à disparaître. Les principaux instruments utilisés res- tent le pendule, la baguette de sour- cier pas si évidente à maîtriser. “Ces différents objets maintenus dans un équilibre fragile servent d’antennes amplificatrices.” À force d’entraînement, la perception s’affine, les résultats s’améliorent. Le principe de la radiesthésie est de se poser oralement ou mentalement la “question” pour que l’outil puisse réagir. Tous les pratiquants ne sont pas for- cément d’accord sur le mode de gué- rison. On a d’un côté ceux qui ont reçu d’un guérisseur une formule, une priè- re pour soigner le mal en question. De l’autre, se trouvent des pragmatiques ne croyant guère aux incantations et cherchant plutôt la solution du pro- blème dans la gestion des ondes contrô- lées mentalement. Dans tous ces domaines évoluent pas mal de farfe- lus et de charlatans plus souvent inté- ressés par l’argent. Gare aux arnaques. “Quand on reçoit ce don, il ne nous appartient pas. C’est normal de ne rien demander aux gens” , explique cette guérisseuse. Dernier angle abordé et non des moins intéressants, le point de vue de la pro- fession médicale sur toutes ces gué- risons. Faute d’avoir trouvé l’oiseau rare prêt à donner son avis, le chapitre est forcément écourté. Un praticien local indique qu’il n’en sait guère plus que le citoyen lambda sur ces phéno- mènes qui restent toujours inexpli- cables d’un point de vue scientifique. S’il admet que ça peut parfois fonc- tionner pour les verrues par exemple, sa déontologie professionnelle lui inter- dit d’en dire davantage. Cependant, des médecins conseillent parfois à leurs patients de voir un magnétiseur pour accélérer la guérison de pathologies bénignes. F.C.

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