Journal C'est à Dire 117 - Décembre 2006

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M O N T B E N O Î T E T L E S A U G E A I S

Un habitant de Montbenoît accuse la mairie de faux et usage de faux Affaire

Jean-Marie Barrand se bat depuis huit ans pour tenter de récupérer un terrain, acquis en 1997, mais que la mairie aurait récu- péré, selon lui, grâce à l’usage d’un faux document. Le procureur de la République a ouvert une enquête.

Ce citoyen de Montbenoît se bat depuis près de huit ans contre l’administration de sa propre commune. Il se dit victime d’une vaste manipulation adminis- trative qui aboutit aujourd’hui à une situation ubuesque : tout le périmètre de sa maison de Montbenoît a été récupéré par la commune. Sa propriété se résume désormais au périmètre de son habitation. Alors que lorsqu’il a acquis cet- te maison, en 1997, l’acte de propriété paraissait clair : il sti- pule noir sur blanc que M. Barrand est propriétaire de 5 ares de terrain. Dernier épisode en date : la com-

mune vient de lui réclamer 7 500 euros pour avoir posé devant sa maison, l’été dernier, une petite piscine gonflable pour ses enfants. Et elle vient d’en- gager une nouvelle procédure pour l’obliger à retirer la pile de bois qu’il avait entreposée derrière sa maison ! Toute l’histoire est partie de son refus de laisser une partie de ce terrain pour que la commune ma maison de céder son terrain à la commune pour créer un par- king. Il avait refusé. Et à moi, ils ont réussi à me le voler “léga- lement” s’insurge M. Barrand. En août 1997, lorsque Jean- Marie Barrand se porte acqué- reur de ce lot A 63, avec 5 ares de terrain, les bornes avec son voisin ont disparu. Il engage alors une procédure de borna- ge. La procédure de bornage judiciaire est décidée par une décision du tribunal d’instance de Pontarlier le 15 février 1999. Neuf mois plus tard, le voisin en question, Henri Nicod (éga- lement adjoint au maire), assigne la commune pour qu’el- le intervienne dans la procé- dure et joue les arbitres. Pour justifier son implication dans l’affaire, la commune de Mont- benoît utilise un essai de conven- tion qui avait été préparé pour régler les questions d’accès à la scierie située en contrebas. Ce document, signé et certifié conforme par la mairie le 22 sep- tembre 1997, sera utilisé pour confirmer officiellement l’im- plication de la commune dans la procédure de délimitation. Le problème, c’est que la signa- ture du maire au bas de la convention est celle de Jacques Andréini. Or, en 1997, le mai- re de Montbenoît se nomme Fré- déric Bourdin. Autre détail trou- blant : c’est la signature de l’an- cien propriétaire de la maison de M. Barrand qui figure en bas de page. Or, M. Barrand est pro- priétaire de sa maison depuis août 1997, soit un mois et demi avant la date de ce document. “Ce document, présenté par l’ad- joint et certifié conforme à l’ori- ginal par le maire est un faux, résume Jean-Marie Barrand. Il n’y en a aucune trace en mairie, il a été signé par l’ancien mai- re, il est postdaté et non publié. Et c’est à partir de ce faux que la commune a établi la preuve d’un droit dont les conséquences sont aujourd’hui catastrophiques pour moi.” Sur la base de ce document, la commune a été admise à la puisse l’aménager en parking. “En 1997, le maire de Montbenoît avait demandé à l’an- cien propriétaire de

J ean-Marie Barrand entame l’avant-der- nière étape de son marathon. La pro- chaine, s’il doit en arri- ver là, sera son dernier cri de désespoir. “Je viens d’envoyer une lettre ouverte au président

de la République. Si cette ulti- me tentative n’aboutit pas, j’en- tame une grève de la faim” menace-t-il. Chez lui, “c’est un peu le Kosovo” comme il dit. Ses portes vitrées donnent sur le vide. Pas de terrasse, pas de jar- din.

“On n’aspire qu’à une chose : être tranquille.

Jean-Marie Barrand a adressé en novembre une lettre ouverte au président Chirac. En désespoir de cause.

délimitation du terrain, un expert-géomètre a été manda- té qui a déclaré la commune pro- priétaire du chemin en ques- tion, qui occupe environ 3 des 5 ares de la propriété initiale de M. Barrand. Lui et sa famil- le doivent donc se contenter de l’intérieur de leur maison pour vivre. Autour, ils ne sont plus chez eux. “Je n’ai plus un mètre carré de terrain à moi, j’ai déjà engagé près de 25 000 euros de frais de justice. Ma maison est dévalorisée de 100 000 euros et les condamnations aux frais et dépens dépassent les 30 000 euros. Désormais, on n’as- pire qu’à une chose : être tran- quille” commente le riverain découragé. La commune de Montbenoît a pour elle une décision de la cour d’appel de Besançon du 15 février 2006 au terme de laquelle elle s’est vue attribuer la propriété de la partie située derrière la maison Barrand, au motif qu’elle revendiquait tren- te ans d’utilisation de cette por- tion de terrain comme chemin communal. La cour a estimé qu’on était en présence d’un “usage ancestral.” Jean-Marie Barrand a porté cette décision devant la cour de cassation. Et dernièrement, il a porté plain-

te auprès du procureur de la République qui a demandé l’ou- verture d’une enquête de gen- darmerie. “L’enquête a été demandée le 31 juillet dernier” confirment les services du pro- cureur à Besançon. Le faux com- mis dans une écriture publique est passible de 10 ans d’em- prisonnement et de 152 449 euros d’amende. La pei- ne est portée à 15 ans de pri- son et 228 673 euros d’amende quand l’acte en question est com- mis par une personne déposi- taire de l’autorité publique. Dernier épisode de l’histoire, une réunion s’est tenue récem- ment en présence du maire et des riverains concernés de ce quartier - à l’exception de… Jean-Marie Barrand, non convié - pour proposer une ultime ten- tative de conciliation. La pro- position consisterait à rétablir le chemin d’accès, en créer un autre, sécurisé, de l’autre côté de la maison Barrand. La mai- rie a missionné un nouveau géo- mètre pour effectuer un rele- vé topographique à partir des conclusions de la cour d’appel. Mais il y a fort à parier que cet- te proposition ne fasse pas l’una- nimité des deux parties concer- nées. J.-F.H.

L’affaire empoisonne les rapports entre voisins depuis plus de huit ans.

Réaction Le maire ne veut pas polémiquer F rédéric Bourdin, direc- tement mis en cause dans cette affaire, ne sou- haite pas aviver la polémique. “Il y a un pourvoi en cassation, nous attendons les résultats” se contente-t-il de dire. “La com- mune a simplement récupéré ce dont elle était propriétaire. Aujourd’hui, on attend que la décision de la cour d’appel soit exécutée, c’est-à-dire que la pla- ce derrière la maison de M. Bar- rand soit déblayée et qu’il ren- de le chemin dans son état ini- tial” ajoute l’élu. M. Bourdin affirme ne “vouloir d’histoire avec personne.”

- Août 1997 : Jean-Marie Bar- rand achète la propriété de Maître Garreau, notaire à Montbenoît. Les bornes avec Henri Nicod, son voisin, ont disparu. - 1998 : après une année de démarches à l’amiable, une pro- cédure en bornage judiciaire est engagée par M. Barrand sur les conseils d’une conciliatrice de justice. - 15 février 1999 : procédure de bornage. La commune de Mont- benoît n’y participe pas. - 29 novembre 1999 : procédu- re en référé contradictoire d’Hen- ri Nicod, troisième adjoint au maire, contre la commune de Montbenoît. Le juge décide alors que la commune doit être inté- grée à la procédure de délimi- tation. Le juge a pris sa décision au vu d’un document, une convention signée le 22 sep- tembre entre la commune et les riverains. Ce fameux document, “postdaté” selon M. Barrand. - 18 novembre 2003 : une déci- sion du tribunal de grande ins- tance de Besançon confirme M. Barrand dans ses droits. Le tribunal réaffirme que les époux Barrand sont propriétaires du chemin devant la parcelle A 63. - 15 février 2006 : la cour d’ap- pel de Besançon contredit le jugement de 2003 et estime que la commune de Montbenoît a acquis le chemin “par prescrip- tion” , pour l’avoir entretenu pen- dant plusieurs décennies. Les époux Barrand ont exercé un pourvoi en cassation. Mais com- me le pourvoi n’est pas sus- pensif, la décision de la cour d’appel devient exécutoire. Les principales dates du feuilleton

Usage de faux ou “manque d’expérience” ? Interprétation

J ean-Marie Barrand accuse la mairie d’avoir utilisé un document rédigé en 1992 et signé en 1997. À ses yeux, ce procédé constitue un fait avé- ré d’usage de faux en écriture publique. Henri Nicod, troisiè- me adjoint au maire, préfère parler d’un problème né du “manque d’expérience du mai- re qui en 1997 a utilisé cette for- mule qui n’était peut-être pas

tout à fait la bonne. Mais il n’y avait pas la volonté de faire un faux.”

quête de gendarmerie diligentée par le procureur de la République doit permettre d’y voir plus clair.

Une chose est sûre : c’est l’utilisation de ce document par le tri- bunal d’instance de Pontarlier qui a per- mis à la commune de

Un nouveau respon- sable a été nommé récemment à la tête de la brigade de Montbe- noît. Les protagonistes espèrent que la neu-

C’est de là qu’ont découlé les problèmes.

s’immiscer dans cette affaire de voisinage. Et c’est de là qu’ont découlé tous les problèmes. L’en-

tralité de ce nouvel observateur fera enfin avancer le dossier vers une solution de compromis.

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