Journal C'est à Dire 117 - Décembre 2006

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D O S S I E R

Moins de charges, moins de fiscalité au menu des préconisations parlementaires Délocalisations

Participant à une mission d’information parlemen- taire sur les délocalisations, le député Jean-Marie Binétruy a invité plusieurs industriels du Haut-Doubs à présenter la situation locale et ses spécificités.

tratives. La compétitivité de l’in- dustrie française passe par un encouragement fort de la recherche et du développement. “Le financement de la couver-

code du travail français doit repré- senter environ 1 400 pages contre seulement une quarantaine en Suisse.” Tous ces points pénali- sent d’ailleurs l’industrie fran- çaise en général.

ture sociale s’appuie sur les cotisations salariales et patronales. Certains membres de la mission ont préconisé de sub- stituer à ce système le principe d’une T.V.A. sociale perçue sur les produits importés” pour- suit l’élu. La compéti-

Au terme de cette mis- sion, différentes pistes ont été avancées. La création d’un obser- vatoire spécifique aux délocalisations s’im- pose à l’échelle natio- nale. “Il ne s’agit pas de créer une nouvelle

“À l’évidence, il semble impossible d’aller contre la mondia- lisation. Au niveau macroéconomique, les délocali- sations représentent 15 500 emplois perdus en France chaque année. Inversement, les investis- sements étrangers directs ont per- mis d’en créer 30 146” , précise le député mortuacien. Au cours de cette mission par- lementaire, différents acteurs du tissu industriel local ont pu être entendus, chefs d’entreprises,

Les Suisses ont tous les avan- tages de l’Union Européenne sans les contraintes.

présidents des chambres consu- laires, représentants de branche sectorielle comme l’horlogerie. Plusieurs raisons ont été avan- cées au sujet de cette distorsion de concurrence dont ils s’esti- ment victimes face à la Suisse : exonération fiscale, complexité du code du travail français, 35 heures, flexibilité des condi- tions d’embauche et de licen- ciements en Suisse, poids des charges sociales, parité euro-franc suisse qui évolue en faveur de nos voisins. “À titre d’exemple, le

par la France” avance-t-il. Des ajustements lui semblent indis- pensables. F.C.

contraintes, surtout sur le plan fiscalité. Ils sont les grands gagnants du système. Ces accords n’ont pas été très bien négociés

tivité de l’économie française pas- se donc par un assouplissement des contraintes réglementaires et administratives du code du travail. La dernière mesure préconise une adaptation du droit fiscal concernant notamment l’impo- sition des sociétés. “En résumé, l’orientation générale vise à intro- duire davantage de souplesse au système actuel.” Jean-Marie Biné- truy n’est pas opposé au scéna- rio d’instaurer une zone franche franco-suisse. Une idée qui a peu de chance d’aboutir car, vu de Paris, le Haut-Doubs reste une région favorisée et n’entre donc pas dans les critères d’une tel- le zone. Une répartition plus équi- table des charges inhérentes à la formation des frontaliers lui semble aussi une évidence. “On doit faire en sorte d’éviter que le territoire du Pays Horloger ne devienne pas le dortoir de la Suis- se.” Comme d’autres, le député est convaincu que les accords bila- téraux ont accéléré les mouve- ments de délocalisation. “Les Suisses ont tous les avantages de l’Union Européenne sans les

structure mais de rattacher cet- te mission à un ministère com- me celui de l’Emploi” justifie le député. Pour être plus efficaces, les aides aux entreprises doivent être ciblées sur des tâches plus productives et moins adminis-

Les accords bilatéraux auraient accéléré les mouvements de délocalisation, notamment dans l’horlogerie.

Selon Jean-Marie Binétruy, pour être plus efficaces, les aides aux entreprises doivent être ciblées sur des tâches plus productives et moins administratives (photo archive Càd).

L’atout “Swiss Made” Argument Il semble très complexe de quantifier le phénomène, si phé- nomène il y a, des implantations ou délocalisations fran- çaises sur la bande frontalière. La force de l’horlogerie suisse réside en tout cas dans son fameux “Swiss made”.

Trouver ensemble des solutions Coopération

Engagée dans la mise en place de l’agglomération trans- frontalière, Annie Genevard plaide pour l’instauration de règles communes sur ce territoire qui aura tout à gagner en fonctionnant à l’unisson.

L e maire de Morteau et présidente du Pays Hor- loger observe elle aus- si ce mouvement de délocalisation local. “Il s’agit soit d’une délocalisation d’une partie de l’activité, soit encore d’un développement envisagé unique- ment sur Suisse. Ce phénomène est peut-être moins spectaculaire que l’affaire Petitjean mais il est tout aussi réel. La vigilance s’im- pose car il pourrait également s’am- encourager ces délocalisations tout comme elle estime qu’un resser- rement du Swiss Made aurait des effets désastreux. Plutôt que d’op- poser deux systèmes, elle plaide en faveur de la mise en place d’une agglomération transfrontalière englobant Morteau, Villers-le-Lac, Le Locle et La Chaux-de-Fonds. “Ce territoire englobe 70 000 habi- tants environ et répond à tous les critères d’une agglomération. À l’intérieur de cet espace unique, on espère parvenir un jour à rééqui- librer les règles en matière de fis- plifier par le simple effet d’entraînement mutuel.” L’élue soupçonne une discrète mais efficace pression des donneurs d’ordres suisses à

“D e par sa taille cri- tique, la Suisse est un État de sous-déve- loppement statistique pour apprécier ces mouvements de délocalisations. Une chose est certaine par contre, on sait très bien que l’horlogerie haut de gamme traverse une période fas- te. Pour le bas de gamme, ça va aussi mais sans plus” , indique Pierre Hiltpold, directeur de la chambre de commerce neuchâ- teloise. sibilités d’installation de can- didats suisses ou français. “Dans ce cadre-là, l’horlogerie suisse est protégée par son fameux Swiss Made. Le simple fait de réaliser en Suisse est une garan- tie, un facteur susceptible d’at- tirer les entreprises gravitant autour de la montre.” Autre atout qui peut entrer en ligne de compte, le libéralisme économique suisse où il est beau- coup plus facile de recruter et d’ouvrir une société. “Le risque En période de pros- périté, les grandes marques horlogères ont forcément besoin de pièces et de nou- veaux sous-traitants, ce qui génère des pos-

conjoncturel de fermer ou de licencier est moins élevé en Suis- se. C’est une facilité indéniable. Le candidat à l’installation en Suisse peut se dire si ça tour- ne mal, j’aurai moins d’ennuis” ajoute l’observateur. Pour Pier- re Hiltpold, les administrations suisses appliquent également de façon plus claire les dispo- sitions de l’accord sur la libre circulation des personnes. Quand un Français s’adresse à une administration suisse, tous ses sur le canton de Neuchâtel, il confirme leur existence tout en étant plus nuancé sur leur uti- lisation. “Ce type d’avantage est octroyé quand les répercussions locales sont importantes. Une petite entreprise de deux ou trois frontaliers n’aura donc pas grand-chose, au contraire d’un projet susceptible de générer de l’emploi local. Là, on obser- ve généralement plus d’enthou- siasme à accorder un avanta- ge fiscal” termine-t-il. droits lui sont expli- qués. “Un suisse qui ferait la même chose en France se heurtera à un mur.” Au sujet des aides à l’installation accordées

calité, formation, gestion de l’em- ploi, flux de circulation” plaide-t- elle. Cette démarche collective est défendue, ce qui est nouveau en soi, par les élus des quatre villes concernées. Les conséquences de l’embellie du travail frontalier et les risques de voir le phénomène se propager aux délocalisations inquiètent éga- lement les communes et une par- tie de la population suisse. “À bien y regarder, on a donc tout inté-

rêt à travailler ensemble sur des ques- tions comme l’emploi, la formation. Fragili- ser le potentiel indus- triel du Pays Horloger se répercuterait forcé-

Un resserrement du Swiss Made aurait des effets désastreux.

Un facteur susceptible d’attirer les entreprises.

ment sur la dynamique de l’éco- nomie horlogère et microtechnique suisse.” L’élue mortuacienne approuve bien sûr la mise en pla- ce du pôle de compétitivité. Rien n’est à négliger y compris les 55 millions d’euros de fonds Inter- reg qui restent encore à distribuer tout au long de la zone fronta- lière. “On ne réclame pas la tota- lité mais on suggère de les utiliser intelligemment sur des projets fran- co-suisses favorisant le maintien du tissu industriel dans chaque pays” conclut l’élue.

Annie Genevard plaide en faveur de la constitution d’un espace transfrontalier unique soumis aux mêmes règles en matière de fiscalité, d’emploi et de formation.

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