Journal C'est à Dire 117 - Décembre 2006

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D O S S I E R

Saignelégier

Une association de compétences à finalité horlogère

Après une première expérience professionnelle en tant que salariés, plusieurs horlogers frontaliers ont choisi de voler de leurs propres ailes en créant leurs propres sociétés en Suis- se. Exemple avec Sébastien Rousseau à Saignelégier.

O riginaire desArdennes, ce jeune chef d’entre- prise a d’abord suivi un parcours somme toute commun à la plupart des frontaliers. Après une formation d’horloger en Haute-Savoie et soucieux de s’investir profes- sionnellement dans la “com- plication”, il décroche assez faci- lement un emploi chez Claret au Locle. Il y restera pendant deux ans en venant vivre à Vil- lers-le-Lac. “J’avais envie de gique. Mais ce projet n’a pas du tout fonctionné. Aucune banque française ne voulait me soutenir même pour un investissement de l’ordre de 25 000 à 30 000 euros. Les services de l’É- tat ne sont d’aucun secours quand il s’agit par exemple de garantir un prêt. Dans les réunions sur la création d’en- treprise, on nous informe sur- tout sur la manière d’obtenir des subventions. Ça relève davan- tage de la course aux aides en oubliant de s’intéresser à l’ac- tivité proprement dite” , explique Sébastien assez écœuré. Sans complexe, il s’est ensuite tourné vers la Suisse où les démarches semblent beaucoup plus réalistes. “Il suffit d’abord de se déclarer dans la commu- ne d’implantation. C’est eux qui m’installer à mon compte. Au départ, j’en- visageais de retourner dans les Ardennes car il existe dans cette région une très forte tradition métallur-

bel outil de travail flambant neuf situé à la sortie de Saignelégier sur la route de Delémont. “De la conception aux finitions, on concentre une bonne partie des métiers gravitant autour de l’hor- logerie haut de gamme : design , reconversion d’anciennes machines-outils en commande numérique, fraisage, décolleta- ge, fabrication des pièces… On fonctionne également avec de multiples autres partenaires” poursuit le dirigeant. Dans le monde très confidentiel de la sous-traitance, pas ques- tion de divulguer le nom des don- neurs d’ordres, ni de révéler les projets en cours. “Certains modèles peuvent atteindre le mil- lion de francs suisses” , confie Sébastien à titre indicatif. Les sept sociétés ont œuvré en com- mun sur un prototype de montre “cinéma” distribué lors du fes- tival de Cannes. “C’est là tout l’avantage des petites structures. On est plus réactif et générale- ment plus rapide. Ici, on est capable de sortir un projet de montre à complication en quelques mois alors qu’il en fau- drait peut-être deux fois plus au sein d’une grande société.” Après 10 mois de séjour à Vil- lers-le-Lac, Sébastien a carré- ment opté pour vivre en Suisse. Un choix motivé d’abord par un rapprochement vis-à-vis du lieu de travail. “On s’est rendu comp- te que la vie n’est pas plus chè- re qu’en France. Globalement, on gagne un peu moins qu’un couple de frontaliers. Au-delà

se chargent ensuite des rendez- vous avec les services concernés. Il y a autant de formalités à régler qu’en France mais ici, au moins, on nous les explique clai- rement” dit-il. Sébastien s’ins- talle alors sur la commune des Bois située entre La Chaux-de- Fonds et Saignelégier. Créée en 2004, son entreprise - Sébastien Rousseau Horloger Créateur - est spécialisée dans la conception, la réalisation ou le montage de montres méca- comme lui souvent locataires de petits ateliers. D’où l’idée sug- gérée par un homme providen- tiel, en l’occurrence Pierre-Alain Gilliéron (ancien directeur de France Ébauches), de centrali- ser ces savoir-faire complémen- taires dans un seul bâtiment. “En Suisse, financer la construc- tion d’un bâtiment industriel suppose d’avoir 50 % de fonds propres. On a pu bénéficier d’une aide du gouvernement équiva- lent à 20 % des investissements et accordée sous réserve d’em- ployer de préférence des gens du coin.” Ce qui semblait impossible sur le plan individuel, le devient ainsi en fédérant sept entreprises comprenant chacune de 6 à 10 salariés dont les 3/4 sont fron- taliers pour l’anecdote. Ce groupement se dote ainsi d’un niques très haut de gamme commandées par les grandes marques horlogères du pays. Les phases de fabrication sont confiées à d’autres sous-traitants

“Aucune banque française ne voulait me soutenir.”

Faute d’avoir pu obtenir un écho favorable à ses projets, Sébastien Rousseau s’est tourné sans complexe et surtout sans regret vers la Suisse.

création de sa société, Sébastien apprécie également le soutien des banques locales plus com- préhensives sur certains points tels que les autorisations de découverts. En période un peu tendue, il semble également pos- sible d’échelonner des paiements obligatoires du type U.R.S.S.A.F. L’implantation en zone fronta- lière se justifie par les difficul-

tés à trouver en Suisse assez de main-d’œuvre qualifiée. Des com- pétences présentes en abondance en France qu’il est facile d’at- tirer vu les salaires proposés. “Les charges patronales en Suis- se avoisinent seulement 19 % au lieu des 45 % en France. Un sala- rié ne coûte donc pas plus cher ici tout en étant mieux rému- néré.”

des avantages d’être sur place, on est également un peu moins taxé. Les trois principaux postes de dépense sont le loyer, les assu- rances et la voiture. Aujourd’hui, je n’ai plus envie de revenir en France” dit-il. Sébastien et sa famille ont actuellement un statut de rési- dent qu’ils doivent renouveler tous les 6 mois. Revenant sur la

Le Locle

Frontalier mortuacien, Guillaume Camensuli a créé sa société hor- logère en mai dernier au Locle. Après quelques mois d’activité, il envisage déjà de nouveaux investissements matériels et humains. Démarrage sur les chapeaux de roue

T ravaille d’abord, amé- nage ensuite. C’est l’im- pression ressentie en découvrant l’environ- nement dans lequel évoluent les trois horlogers et le régleur en commande numérique formant l’effectif de la société C.M.P.U. Camensuli (Complication Modè- le et Pièce Unique). “On a vrai- ment été surpris par le démar-

sionnel. “On assemble des pièces pour les grandes marques hor- logères locales. Tout est reçu en kit. Le montage d’un mou- vement prend d’une semaine à un mois selon sa complexité.” Pour l’instant, les locaux abri- tent un atelier de montage et un autre de mécanique. À partir de janvier, Guillaume Camensuli a prévu d’occuper

dans leur pays. C’est un plus sur la carte de visite.” Dans la famille des artisans hor- logers, Guillaume Camensuli distingue deux catégories, les puristes exerçant souvent indi- viduellement dans le respect des modes de fabrication tradi- tionnels et ceux qui s’impliquent dans l’activité en ayant le sou- ci de créer des emplois. Bénéfi- ciant d’un apport personnel, il n’a connu aucune difficulté lors de son installation. “Déplace- ment compris, cela m’a pris deux heures de démarches, le temps d’aller m’inscrire à la chambre de commerce qui se charge ensui- te du dossier.” Les trois salariés recrutés sont des frontaliers. Guillaume Camensuli apprécie également de travailler en bonne entente avec d’autres jeunes P.M.E. Une solidarité bien utile en phase de démarrage.

tout l’étage où se trou- ve sa société en amé- nageant par exemple un espace adminis- tratif. Vu son domaine d’activité dans la sous- traitance horlogère,

rage au point de devoir anticiper sur l’achat de machines à com- mandes numériques qui s’avéraient indis- pensables pour hono- rer les commandes” ,

“On assemble des pièces

pour les grandes marques.”

indique le chef d’entreprise. Après un premier emploi aux Brenets, cet horloger a enrichi son expérience en travaillant quatre ans chez Christophe Cla- ret au Locle. La création de C.M.P.U. s’inscrit dans la conti- nuité de ce parcours profes-

il lui semblait logique de s’ins- taller en Suisse. “On évite les complications douanières et les difficultés auxquelles sont confrontés les jeunes chefs d’en- treprises français. Sachant que la plupart de nos clients sont suisses, c’est important d’être

Sitôt installé, Guillaume Camensuli a très vite été sollicité au point de devoir anticiper l’achat de nouvelles amchines.

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