Journal C'est à Dire 114 - Septembre 2006

L E P O R T R A I T

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Un ermite dans la montagne Tour à tour séminariste, enseignant puis libraire, Robert Zip- per, à 78 ans, est une figure de Morteau. Dans son petit appar- tement, il conserve la mémoire et les souvenirs de la ville. Morteau

D oucement, Robert Zip- per s’est mis à feuille- ter son gros album pho- to. Des clichés par dizaines, tous du même paysa- ge de sapins et d’alpages pris sous la neige ou au soleil estival. Sa montagne. “Enfant, les abbés du patronage nous emmenaient tous les jeudis dans de grandes pro- menades à pied. On passait dans les montagnes, j’ai toujours pré- féré le versant en direction de la Suisse. Cela me sidérait. J’aime traverser un bois, ne pas savoir où on va et arriver sur un petit chemin. C’est physique et psy- chologique, je suis un gars d’al- titude, je ne peux pas me passer de mes sapins, de mes vaches” , s’amuse-t-il. Pour réaliser ses rêves d’enfant, la retraite venue, Robert Zip- per, Mortuacien de naissance, s’est installé pendant douze ans seul dans un chalet du Rondot, à mi- chemin entre la Suisse et Mont- lebon. “Un besoin d’intimité dans la nature.” Depuis quelques années, l’homme - 78 ans cette année - a été obligé de redescendre vers Morteau et d’abandonner son chalet isolé. Dans son appartement, il entas- se désormais ses souvenirs. Une mine d’or. Autant de témoignages de Morteau au milieu du siècle dernier. Pour en garder une tra-

ce, il a consigné dans des petits carnets entiers des listes de pro- verbes anciens et de mots de patois progressivement disparus du lan- gage courant. “Des mots franc- comtois auxquels je tiens. Il y a “appondre”, par exemple, pour poser contre ou “appointuser” pour rendre pointu” , reprend le vieil homme, régionaliste convaincu et “fier d’être Comtois.” Il a aus- si commencé à rédiger des mémoires, mais un pouce récal- citrant l’a interrompu. Et il y a les photos, des dizaines sérieuses autour de leurs ensei- gnants en soutane. Année scolaire 1941, au séminaire de Notre- Dame de Consolation, explique la légende. Penché sur l’album photo, Robert Zipper égraine sans hésiter les noms de chacun, ce qu’ils sont devenus. La moitié est devenue prêtre. “À l’époque, il n’y avait que trois possibilités pour faire des études. Avoir une famil- le qui avait un peu d’argent, être repéré par l’instituteur du villa- ge et obtenir une bourse, ou bien faire un bon séminariste” , explique- t-il. Lui, n’a pas pris la soutane. de photos de classes, en noir et blanc de toutes les époques. Sur l’une d’elle, une vingtaine d’adoles- cents prennent la pose avec des mines

Vocation contrariée. À la demande de son oncle, il a tout abandonné pour donner un coup de main dans le petit ate- lier d’horlogerie installé dans l’ap- partement familial et “travailler à la fenêtre” à l’assemblage de montres bon marché. Il n’est pas devenu prêtre mais en a presque mené la vie. A servi pendant quelques années comme sacris- tain dans une paroisse norman- de du pays de Caux, avant de reve- nir, en partie parce que les sapins lui manquaient, en Franche-Com- enfant puis livres religieux. Il ne s’est pas marié, parce que “être instituteur avec une classe unique de 35 élèves, cela demande énor- mément de travail. Je n’avais pas le temps.” Depuis, il est revenu à la retraite dans le Haut-Doubs, près de la Suisse. “En fait, j’ai jamais vraiment eu de chez moi, j’ai beaucoup déménagé. Quand je suis revenu, le vieux Morteau avait disparu” , reprend-il. Alors, il le recrée, entre les quatre murs de son appartement, entre ses albums photos et ses carnets. S.D. té en temps qu’instituteur dans l’enseignement catho- lique. Au bout de 18 ans d’en- seignement, il a bifurqué, est devenu libraire à Besançon chez Cart, rayon

“Je n’avais pas le temps de me marier.”

À 78 ans, Robert Zipper conserve une partie de la mémoire de Morteau dans ses albums photo.

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BESANÇON ESPACE CHATEAUFARINE Tél. : 03 81 41 07 18 Ouvert du lundi au samedi de 10h à 19h et le samedi de 9h à 19h Ouvert le lundi de 14h à 19h et du mardi au samedi de 9h à 12h et de 14h à 19h