Journal C'est à Dire 105 - Novemvre 2005

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É C O N O M I E

Agroalimentaire

Représentant de l’entreprise familiale Vonin de Maisons-du-Bois, ce salai- sonnier donne les grandes orientations prises par la société qui pro- duit, entre autres, 180 tonnes de saucisse de Morteau. La société Vonin “Morteau d’or 2005” termine une grande phase de travaux. Denis Vonin : “Nous avons encore de belles années devant nous”

C’ est-à-dire : L’en- treprise s’agrandit à Maisons-du- Bois. Où en êtes-vous dans vos travaux qui ont débuté il y a un an ? Denis Vonin : Ils se terminent. Il reste encore la partie bureaux à réaliser dans ce bâtiment des- siné par Gérard Baverel. Au total, nous aurons augmenté la surface du bâtiment de 1 200 m 2 . L’espace a pratiquement été doublé sur trois étages. Le sous- sol est réservé au stockage. Au rez-de-chaussée se trouve le nou- veau magasin qui s’étend sur 160 m 2 . À ce niveau, il y a aus- si un frigo de stockage, et une salle de conditionnement et d’ex- pédition agrémentée de nou- veaux quais de chargement. Enfin au premier étage se trou- vent les bureaux et la salle de réunion. Càd : Quel est le coût de ce projet ? D.V. : Il est de 1,2 million d’eu- ros hors taxes. Càd : Qu’est-ce qui a moti- vé cet investissement ? D.V. : Nous étions à saturation de place. Il devenait difficile de travailler dans de bonnes condi- tions conformément aux normes. Je précise qu’en 1985, nous étions la première entreprise franc-comtoise dans notre sec- teur d’activité à nous mettre aux normes européennes. Càd : Ce n’est pas la pers- pective de l’obtention de l’identification géographique protégée (I.G.P.) pour la sau- cisse de Morteau qui vous a

poussé dans cette voie ? D.V. : Non. Par contre, c’est vrai qu’avec l’investissement qu’on vient de réaliser, l’arrivée de l’I.G.P. nous rassure. Ça nous garantit un avenir aux contours plus sereins. Càd : Ce projet vous ouvre néanmoins de nouvelles pers- pectives ? D.V. : Nous sommes aujourd’hui une trentaine d’employés. À ter- me, cet investissement signi- fie une évolution à la fois du chiffre d’affaires et du nombre de salariés. Jusqu’à présent, l’usine était figée dans son déve- virage économique qui vous rapproche de vos concurrents industriels régionaux ? D.V. : Nous restons toujours une petite entreprise familiale. Je ne crois pas que nous emploie- rons un jour cent personnes. Ce n’est d’ailleurs pas le but. Une fois encore, l’intérêt de cet inves- tissement était d’avoir une bel- le usine où chacun a plaisir à travailler dedans. Càd : Combien de tonnes de saucisse de Morteau pro- duisez-vous ? D.V. : Cette année, nous avons produit 180 tonnes de saucis- se de Morteau et 250 tonnes de jambon cuit du Haut-Doubs. Notre volume total d’activité, tous produits confondus, est de 750 tonnes. loppement. Désor- mais, on prévoit une augmentation de 30 % du chiffre d’af- faires. Càd : Êtes-vous en train de prendre un

Càd : 2005 est une année importante pour l’entrepri- se Vonin puisque vous venez en plus de décrocher la “Mor- teau d’Or”. Qu’est-ce que cet- te distinction représente pour vous ? D.V. : Elle a son importance car elle signifie qu’il y a une constan- ce dans la qualité de nos pro- duits. C’est l’intérêt de ce concours qui se déroule en plu- sieurs étapes. Plusieurs fois dans l’année, certaines de nos sau- cisses sont prises au hasard, dégustées et notées. Ensuite, le jour du concours, nous sommes notés à nouveau. mateur qui vient chez nous. Ça rassure le client. Mais je dirais que ce trophée est surtout une récompense pour tous nos col- laborateurs qui fabriquent la saucisse. Càd : Justement, qui sont aujourd’hui les clients de votre entreprise ? D.V. : Un tiers de notre clientè- le est la grande distribution. Un tiers est les grossistes, et un tiers correspond à la vente en directe au magasin. Actuellement, cet- te clientèle est répartie sur tout le Grand Est. Avec notre exten- sion, nous avons l’intention d’al- ler chercher de nouveaux mar- chés partout en France. Càd : Suivant les points de vente, on observe de grands Càd : Quel retour avez-vous de la part du consom- mateur ? D.V. : Je crois que la “Morteau d’Or” réconforte le consom-

“Si on veut tuer le produit, il n’y a qu’à le mettre à 15 euros.”

La surface du bâtiment a presque doublé à Maisons-du-Bois.

écarts de prix de vente de la saucisse de Morteau (de 9 à 14 euros le kilo). De telles disparités ne portent-elles pas préjudice au produit ? D.V. : Il faut distinguer deux choses : le producteur qui vend et le revendeur. Chacun prend sa marge à son niveau. Mais il est clair que si on veut tuer le produit, il n’y a qu’à le mettre à 15 euros. La saucisse de Mor- teau est un produit qualitatif, mais de consommation couran- te. Pour autant, ce n’est pas du foie gras. Càd : Maintenant que l’I.G.P. est tombée, l’interprofession n’a-t-elle pas intérêt à s’en- tendre sur un prix ? D.V. : C’est interdit. On ne peut pas s’entendre. La direction de la concurrence et de la répres- sion des fraudes est attentive à cela. Néanmoins, il faut savoir que celui qui travaille correcte-

ment la saucisse de Morteau pour en faire un produit de qua- lité, ne peut pas descendre en deçà d’un certain prix. Càd : Que vous apportera l’identification géographique protégée ? D.V. : L’I.G.P. va nous apporter surtout des volumes, comme le label de Franche-Comté a pu en apporter en son temps. Je pense que nous avons encore de belles années devant nous. Sur le principe, l’identification géo- graphique protégée a pour but de conduire à la fabrication d’un produit homogène à tous les fabricants. Sachant que le mode de fumage et le savoir-faire de chacun feront la différence. de défense et de promotion des charcuteries et salaisons I.G.P. de Franche-Comté. À mon avis, tous les fabricants qui ne ven- dent pas de saucisse de Mor- teau en dehors de leur entre- prise n’ont peut-être pas inté- rêt à rejoindre l’association qui va leur demander une contri- bution financière. Càd : Désormais, l’inter- profession va-t-elle se struc- turer pour communiquer sur le produit comme ont pu le faire les producteurs de com- té ? D.V. : Il y a deux niveaux dans l’I.G.P. : la saucisse qui a la cer- tification de conformité produit (C.C.P.) et le label rouge qui s’adresse aux fabricants de véri- table saucisse de Morteau. Notre entreprise fera les deux. Il est évident qu’il faudrait qu’il y ait une étiquette C.C.P. com- mune. Ce qui a fait notre for- ce à l’époque du label, c’est bien notre étiquette et nos plombs. C’est au prix de cette cohérence que l’on pourra engager des campagnes de publicité dont les retombées profiteront à l’en- semble des fabricants. À ce jour, Càd : Qu’est ce qui va changer avec l’I.G.P. ? D.V. : L’I.G.P. était néces- saire. La seule inconnue à l’heure actuelle est de savoir quelle société va rejoindre l’association

aucune communication collec- tive n’est prévue. D’ailleurs, ce n’est pas dit que ce projet inté- resse tout le monde. Càd : Finalement, est-ce que cette I.G.P. ne va pas faire le jeu des industriels qui vont prendre le pas sur le marché de la Morteau au détriment des artisans ? D.V. : Aujourd’hui en France, il se fabrique partout de la sau- cisse dite de Morteau. Main- tenant que l’I.G.P. est tombée, si tous ces tonnages “sauvages” étaient désormais produits en Franche-Comté, il y aurait du travail pour tout le monde. Le problème est que jusqu’en sep- tembre 2006, date à laquelle nous avons demandé une pro- Càd : Cela veut dire qu’il n’y a pas de contrôle pour per- sonne, même au niveau de l’approvisionnement en porcs ? D.V. : Ceux qui faisaient par- tie de l’ancien label sont tou- jours contrôlés. C’est notre cas. Demain, avec l’I.G.P., nous serons encore contrôlés par l’as- sociation et par un organis- me certificateur. Vous savez, l’identification géographique protégée, c’est une chaîne. C’est toute la filière qui est concer- née, des éleveurs de porc à la vente de la saucisse. Pour fabri- quer de la saucisse, le porc doit provenir de Franche-Comté ou des départements de Saône-et- Loire ou de l’Ain. La difficulté est que nous ne savons pas aujourd’hui à quels tonnages nous devrons faire face demain. L’intérêt d’être organisé en filiè- re est qu’on pourra réagir en temps voulu. O tection nationale pour garantir la protection totale du produit dans l’attente de l’enregis- trement européen, tout le monde peut continuer à fabriquer de la sau- cisse dite de Morteau.

“C’est toute la filière qui est concernée.”

Propos recueillis par T.C.

Denis Vonin en compagnie d’une de ses collaboratrices dans le nouveau magasin de l’entreprise familiale.

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