EN MODE ACTION 02 - Avril 2023

Avril 2023 | EN MODE ACTION.

LE DOSSIER Suite ➜

Un mode d’organisation des soins original autour d’un centre de santé municipal Audincourt - DES MÉDECINS SALARIÉS Pour conserver une offre de soins de qualité

qu’on aille ensuite chercher dans les hôpitaux des médecins étrangers.” Il faudrait former, à son sens, “beaucoup plus de médecins et donner davantage de moyens.” Dans ce secteur nord du Doubs, on fait ce constat comme ailleurs d’un manque de médecins spécia listes comme généralistes, avec les départs suc cessifs à la retraite. On a pourtant bien essayé de les attirer. “On les reçoit, on leur présente la ville, mais on sent que c’est limité étant donné que tous les ter ritoires font pareil”, note Martial Bouquin. La baisse des effectifs a, par ailleurs, comme autre effet pervers, d’augmenter le nombre de consultations par praticien. “Ils y perdent le sens de leur métier et sont soumis à plus de burn-out. Ce qui fait que certains permutent vers la médecine du travail ou l’exercice salarié.” Cela a conduit la municipalité à se pencher sur l’ou verture d’un centre de santé, dans l’ancienne cli nique Lucine. Une démarche soutenue par l’Agence régionale de santé (ARS), un peu moins par l’Ordre des médecins. Ouvert il y a six mois, le centre muni cipal emploie pour le moment deux médecins gé néralistes. “L’une débute et a fait le choix du salariat et l’autre évoluait jusqu’ici en libéral et a voulu privi légier sa qualité de vie avec des enfants en bas âge. Elles font 39 heures, effectuent des visites extérieures et ont des congés” , précise le maire. Divers contacts ont été pris pour passer assez vite à quatre méde cins. “Cela fonctionne très bien, le secrétariat est ré gulièrement saturé.” La médecine de garde, qui était en difficulté sur le secteur, y a également trouvé de nouveaux locaux. La Ville a repris en régie sa gestion administrative, lui permettant de se focaliser sur l’exercice médi cal. Parallèlement, plusieurs professionnels libéraux sont venus s’adosser au projet en louant des locaux. “Pour nous, c’était un saut dans l’inconnu, mais je ne regrette pas. Cela a permis de créer une dynamique et de fédérer un écosystème”, se réjouit le maire, qui a été sollicité dernièrement par des sages-femmes. Bien sûr, cela induit des coûts de fonctionnement, au-delà des 2 millions d’euros de départ investis. “Il y a des charges importantes certes, mais aussi des recettes”, signale Martial Bourquin. Dans le cas où il y a peu de médecins, le poids des consultations ne couvrirait pas totalement le fonctionnement pour les collectivités porteuses.). n

sur son territoire, la Ville d’Audincourt a fait le pari d’ouvrir un centre de santé il y a six mois et de salarier des médecins.

R ares sont encore les exemples du genre. Mais la création de pôles médicaux muni cipalisés, en réponse à la désertification, ne semble plus paraître si folle au fil des ans. Plusieurs collectivités s’y intéresseraient, quitte à s’emparer d’une compétence qui n’est pas la leur et à mettre la main à la poche. Pour le maire d’Audin court, Martial Bourquin, il ne fait pas de doute que “ les politiques de santé s’imposeront de plus en plus aux élus locaux” à l’avenir. “Les maires devront en faire un des points forts de leur gestion. On ne peut pas accepter que nos concitoyens n’aient pas de médecins, sachant que le nombre de personnes dépendantes en France va passer d’1,5 à 4,5 millions d’ici 2025. C’est une vraie bombe à retar dement.” Cette situation est à rapprocher de la démogra phie médicale en berne “qui va encore s’aggraver” , mais aussi des nouveaux choix de vie des jeunes médecins et des orientations discutables de l’État sur leur formation, selon lui. “On vient de rouvrir le numerus clausus mais rien ne change pour autant, car on écrème beaucoup trop en première année. Seul un étudiant sur 10 est reçu. Plusieurs d’entre eux manquent de rien leur examen et le paradoxe veut

L’explosion de la dépendance : “une bombe à retardement.”

La municipalité souhaite permettre un égal accès aux soins des Audincourtois, avec le site Lucine (photo Ville Audincourt).

38 |