EN MODE ACTION 04 - Avril 2025

EN MODE ACTION. | Printemps 2025

ont aussi contribué au dérapage des finances publiques” ➜ LE GRAND TÉMOIN Ancien élu du Doubs et actuel premier président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici donne son point de vue sur l’état des comptes publics en France, sans oublier de rappeler que les collectivités locales doivent aussi contribuer à l’effort de redressement des finances.

“Les collectivités locales

(photo E. Lombard - Cour des Comptes)

Pierre Moscovici

est le premier président de la Cour des comptes jusqu’au 16 septembre 2026.

Propos recueillis par Jean-François Hauser

En Mode Action : La situation financière de la France est grave. Est-elle désespérée ? Pierre Moscovici : Non, la situation n’est pas désespérée. La France est un grand pays qui a encore une notation très convenable avec un bon accès aux marchés financiers. Mais la situation est bien sûr préoccupante avec un des plus gros déficits de la zone euro et la première dette de cette même zone (plus de 3 300 milliards d’euros), à tel point qu’on est désormais obligés d’emprunter 60 milliards d’euros par an pour rembourser les intérêts de cette dette. Si on ne veut pas emprunter bientôt le chemin fatal de l’austérité, il est vraiment temps de prendre le taureau par les cornes. Si j’osais une formule : “Le désendettement, c’est maintenant !” EMA : Le redressement des comptes publics nécessitera-t-il des efforts de tous : les ménages, mais aussi les collectivités locales ? PM : L’effort devra être partagé par tous. Ces dernières années ont été particulièrement noires en matière d’endettement avec 1 000 milliards d’euros de dette supplémentaire en cinq ans. Le poids de la dette a été multiplié par trois en cinq ans. Nous avons vécu comme des cigales, maintenant la bise est venue… Oui, cet effort doit être partagé par tout le monde : entreprises et ménages, en fonction

de leurs moyens, par l’État aussi, par les organismes de Sécurité sociale, mais aussi par les collectivités locales. Chacun doit payer sa part, à hauteur de ses capacités. EMA : Parmi les ménages, les retraités également ? PM : Les retraités font bien sûr partie des ménages, mais il y a aussi des retraités qui ont très peu de revenus. Il faut un effort proportionné.

avec souvent des DMTO en baisse. Leurs capacités contributives ne sont pas les mêmes, il faut faire jouer dans ce cas la péréquation selon un principe clair : celles qui ont le plus de moyens doivent être celles qui sont le plus sollicitées. En matière d’efforts, je ne préconise pas plus le rabot que la tronçonneuse, mais une participation proportionnée en fonction des moyens. EMA : Les collectivités ont donc selon vous une part de responsabilité dans la situation budgétaire du pays ? L’AMF a décidé de boycotter les premières réunions budgétaires. Comprenez-vous la position de ces élus locaux qui se sentent accusés de creuser le déficit ? PM : Certes, les collectivités ne peuvent pas voter de budget en déficit. Mais en investissant parfois beaucoup, elles s’endettent fortement. J’affirme en effet que les dépenses des collectivités locales (liées aussi à leur fonctionnement et à certains facteurs comme le point d’indice ou le glissement retraite) y sont pour beaucoup dans le dérapage des finances publiques. Leurs dépenses ont augmenté de 7 milliards d’euros l’an dernier. Je pense qu’il est donc faux de dire que les collectivités doivent être à l’écart des efforts à fournir, car leur taux d’endettement s’est également

“Le poids de la dette a été multiplié par trois en cinq ans.”

EMA : Les collectivités locales, notamment les associations de maires, sont très remontées contre l’État qui les accuse d’avoir creusé la dette. Ces collectivités doivent donc aussi payer leur part ? PM : Les collectivités ne sont pas toutes dans la même situation. Le bloc communal est globalement dans une meilleure situation que le bloc régional qui est lui-même dans une meilleure situation que le bloc départemental. Et parmi les Départements, il y en a qui s’en sortent bien, d’autres sont plus en difficulté car ils doivent faire face à des dépenses sociales en forte hausse

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