EN MODE ACTION 04 - Avril 2025
Le mag des élus du Doubs
No. QUATRE
Édition du Doubs | Printemps 2025
EN MODE ACTION. Le mag des élus du Doubs
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LE TRÈS ATTENDU STATUT DE L’ÉLU LOCAL
LE DOSSIER ➜
05 LE GRAND TÉMOIN Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes
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ÉLECTIONS MUNICIPALES Fin du panachage et parité pour les petites communes
LA DGF DES COMMUNES En baisse, en hausse… Quel montant de dotation ?
Printemps 2025 | EN MODE ACTION.
Sommaire ➜
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GRAND TÉMOIN Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et ancien élu du Doubs est le grand témoin de ce n° 4 d’En Mode Action. BRÈVES ET CHIFFRES Les dernières actus à destination des collectivités.. FIN DU PANACHAGE Les communes de moins de 1 000 habitants seront obligées de présenter des listes complètes dès 2026. ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS Quels leviers
UN PAVÉ DANS LA MARE DGS du Doubs, Emmanuel Faivre se propose de “Débloquer la France.” ARTIFICIALISATION Adieu le ZAN, bonjour le projet TRACE. DOLÉANCES Tous les cahiers citoyens enfin rendus publics ?
TRANSFRONTALIER 50 recommandations pour améliorer la question transfrontalière. DGF Les montants 2025 des dotations sont désormais connus. RÉVÉRENCE Yves Krattinger, 50 ans de vie publique. SÉCURITÉ La sécurisation des ponts prise au sérieux dans le Doubs. PORTRAIT Catherine Barthelet, femme élue active et engagée.
FAQ La Foire aux questions des maires du Doubs.
DOSSIER À quand un vrai statut pour les élus locaux ?
pour améliorer l’assurabilité ?
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ÉDITO
Pour cause d’embouteillage législatif, il semble que le texte tant attendu par les élus des territoires sur la création d’un vrai statut de l’élu local soit à nouveau repoussé dans le calendrier. Initialement prévu devant l’Assemblée nationale en juin, après avoir été voté il y a plus d’un an par le Sénat, ce projet de loi pourrait ne pas être adopté à temps pour les prochaines échéances électorales de mars 2026 alors même que vient d’être adoptée - dans la précipitation et sans réel motif avanceront certains - la loi qui réforme le scrutin de liste pour les dizaines de milliers de communes de moins de 1 000 habitants en France, avec la fin du panachage et l’instauration d’une parité hommes-femmes, comme dans les plus grosses communes. Ce calendrier législatif à géométrie variable a le don d’irriter bon nombre d’élus locaux qui attendent de pied ferme une loi qui les protège mieux et qui les considère plus. Car il s’agit bien avec ce projet de donner à tous ceux qui ont envie de s’engager pour leur communauté, à l’échelle de leur territoire, les moyens d’action matériels, intellectuels Jean-François HAUSER Sacerdoce ➜
Le magazine En Mode Action est une publication de la société Publipresse Médias SAS, www.publipresse.fr EN MODE ACTION. L’actu des élus du Doubs Imprimé à 5 000 exemplaires Toute reproduction est soumise à l’autorisation expresse de l’éditeur
l SIREN ; 424 896 645 l Directeur de la publication : Éric TOURNOUX l Directeur de la rédaction : ` Jean-François HAUSER l Rédaction : Thomas Comte, Sarah George, Jean-François Hauser
l Maquette : Earthmoon l Mise en page : Olivier Chevalier, Éloise Perrot
l Publicités : Maëliss Aumaitre, Anne Familiari, Anthony Gloriod l Crédits photos : Ben Becker, C.D. 25, E. Lombard-Cour des comptes, Laurent Saillard, Ville de Montbé liard-Denis Bretey. l Dépôt légal : Mai 2025
et juridiques pour mener à bien une mission qui s’apparente souvent, pour les maires des plus petites communes, à un véritable sacerdoce. À quelques mois du renouvellement des exécutifs communaux et intercommunaux, avec ou sans statut réformé, gageons néanmoins qu’il y aura toujours et ce, malgré les chiffons rouges agités régulièrement à quelques mois des élections, des femmes et des hommes qui auront le goût d’entreprendre pour leur territoire. Bien que semé d’embûches et pavé de chausse-trapes, le parcours d’élu local apporte, sur le plan social avant tout, suffisamment de satisfactions pour que ces dernières prennent souvent le pas que les ennuis et les désagréments. n
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ont aussi contribué au dérapage des finances publiques” ➜ LE GRAND TÉMOIN Ancien élu du Doubs et actuel premier président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici donne son point de vue sur l’état des comptes publics en France, sans oublier de rappeler que les collectivités locales doivent aussi contribuer à l’effort de redressement des finances.
“Les collectivités locales
(photo E. Lombard - Cour des Comptes)
Pierre Moscovici
est le premier président de la Cour des comptes jusqu’au 16 septembre 2026.
Propos recueillis par Jean-François Hauser
En Mode Action : La situation financière de la France est grave. Est-elle désespérée ? Pierre Moscovici : Non, la situation n’est pas désespérée. La France est un grand pays qui a encore une notation très convenable avec un bon accès aux marchés financiers. Mais la situation est bien sûr préoccupante avec un des plus gros déficits de la zone euro et la première dette de cette même zone (plus de 3 300 milliards d’euros), à tel point qu’on est désormais obligés d’emprunter 60 milliards d’euros par an pour rembourser les intérêts de cette dette. Si on ne veut pas emprunter bientôt le chemin fatal de l’austérité, il est vraiment temps de prendre le taureau par les cornes. Si j’osais une formule : “Le désendettement, c’est maintenant !” EMA : Le redressement des comptes publics nécessitera-t-il des efforts de tous : les ménages, mais aussi les collectivités locales ? PM : L’effort devra être partagé par tous. Ces dernières années ont été particulièrement noires en matière d’endettement avec 1 000 milliards d’euros de dette supplémentaire en cinq ans. Le poids de la dette a été multiplié par trois en cinq ans. Nous avons vécu comme des cigales, maintenant la bise est venue… Oui, cet effort doit être partagé par tout le monde : entreprises et ménages, en fonction
de leurs moyens, par l’État aussi, par les organismes de Sécurité sociale, mais aussi par les collectivités locales. Chacun doit payer sa part, à hauteur de ses capacités. EMA : Parmi les ménages, les retraités également ? PM : Les retraités font bien sûr partie des ménages, mais il y a aussi des retraités qui ont très peu de revenus. Il faut un effort proportionné.
avec souvent des DMTO en baisse. Leurs capacités contributives ne sont pas les mêmes, il faut faire jouer dans ce cas la péréquation selon un principe clair : celles qui ont le plus de moyens doivent être celles qui sont le plus sollicitées. En matière d’efforts, je ne préconise pas plus le rabot que la tronçonneuse, mais une participation proportionnée en fonction des moyens. EMA : Les collectivités ont donc selon vous une part de responsabilité dans la situation budgétaire du pays ? L’AMF a décidé de boycotter les premières réunions budgétaires. Comprenez-vous la position de ces élus locaux qui se sentent accusés de creuser le déficit ? PM : Certes, les collectivités ne peuvent pas voter de budget en déficit. Mais en investissant parfois beaucoup, elles s’endettent fortement. J’affirme en effet que les dépenses des collectivités locales (liées aussi à leur fonctionnement et à certains facteurs comme le point d’indice ou le glissement retraite) y sont pour beaucoup dans le dérapage des finances publiques. Leurs dépenses ont augmenté de 7 milliards d’euros l’an dernier. Je pense qu’il est donc faux de dire que les collectivités doivent être à l’écart des efforts à fournir, car leur taux d’endettement s’est également
“Le poids de la dette a été multiplié par trois en cinq ans.”
EMA : Les collectivités locales, notamment les associations de maires, sont très remontées contre l’État qui les accuse d’avoir creusé la dette. Ces collectivités doivent donc aussi payer leur part ? PM : Les collectivités ne sont pas toutes dans la même situation. Le bloc communal est globalement dans une meilleure situation que le bloc régional qui est lui-même dans une meilleure situation que le bloc départemental. Et parmi les Départements, il y en a qui s’en sortent bien, d’autres sont plus en difficulté car ils doivent faire face à des dépenses sociales en forte hausse
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dégradé. Elles doivent donc faire l’objet de mécanismes comme il existait les contrats de Cahors il y a quelques années. Il faut qu’en concertation avec l’État, les collectivités parviennent à réguler leurs dépenses. On gagne toujours à la discussion, c’est pourquoi je n’approuve pas ceux qui refusent d’aller dialoguer avec l’État. EMA : Globalement, pourquoi la France ne parvient-elle pas à faire des économies alors que l’Italie par exemple est revenue en 3 ans dans les 3 % exigés par l’Europe ? La France n’y arrivera donc jamais ! PM : Je pense qu’en France, il n’y a pas encore eu cette nécessaire prise de conscience collective. On manque tout simplement de volonté. Je suis hostile à l’austérité et il faut que nous gardions des capacités d’investissement. Or, l’endettement est l’ennemi de l’économie. Quand on n’est trop endetté, on finit par s’immobiliser. Maintenant, seule une volonté politique très forte assortie d’une vraie capacité de conviction pourra être efficace. Pierre Moscovici, bio express l Pierre Moscovici est Premier président de la Cour des comptes depuis le 3 juin 2020. Il préside également, à ce titre, la Cour de discipline budgétaire et financière, le Haut Conseil des finances publiques et le Conseil des prélèvements obligatoires. l Titulaire d’un DEA de macroéconomie approfondie et d’un DEA de philosophie, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, il intègre la Cour des comptes comme auditeur à sa sortie de l’ENA (promotion Louise Michel), le 1er juin 1984. l Devenu conseiller référendaire, il est nommé en mai 1988 conseiller technique au cabinet du ministre de l’Éducation nationale, de la jeunesse et du sport. En septembre 1990, il devient chef de service de la modernisation du service public et du financement au Commissariat général du Plan. l Député européen depuis juillet 1994, il est élu député du Doubs en juin 1997 et nommé ministre délégué chargé des Affaires européennes la même année. Il occupe ensuite les fonctions de représentant des autorités françaises à la Convention sur le traité constitutionnel européen. l Ayant réintégré la Cour en novembre 2002, il devient conseiller maître en 2003. Il est à nouveau élu député européen en juillet 2004 et assure les fonctions de vice-président du Parlement européen. l Redevenu député du Doubs en juin 2007, réélu en juin 2012, il préside notamment la communauté d’agglomération du pays de Montbéliard entre 2008 et 2012, année où il est nommé ministre de l’Économie, des finances et du commerce extérieur. l Il a été commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et à l’union douanière du 1er novembre 2014 au 30 novembre 2019, avant de réintégrer la Cour. l Pierre Moscovici est professeur affilié à Sciences Po Paris et professeur invité à l’Université Columbia de New-York et au Collège d’Europe à Bruges. l Pierre Moscovici est Officier de la Légion d’honneur.
M. Moscovici a été notamment député du Doubs en 1997, réélu en 2012.
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EMA : Une vraie réforme des collectivités locales est elle souhaitable, avec suppression des Régions ou des Départements par exemple, pour une meilleure efficience de l’action publique ? PM : Ce qui est sûr, c’est que nous avons laissé s’empiler de nombreuses collectivités et établissements publics, sans assez rationaliser les dépenses. Il faut donc s’atteler à chasser les doublons, qui en effet sont nombreux. Beaucoup d’agglomérations pourraient mutualiser des services avec la mairie principale de l’EPCI (services communication ou autres) mais encore beaucoup d’entre elles ne le font pas. Il faut impérativement chercher tout ce qui permet d’éviter ce genre de doublons. EMA : Pourquoi la fusion des Régions n’a-t-elle permis aucune économie ? Pourtant c’était un des objectifs de la réforme. Pourquoi est-il si difficile de faire des économies finalement ? PM : Il n’y a pas eu d’économies à la clé en effet mais ceci dit, ce projet de fusion n’était pas un projet financier mais il s’agissait avant tout de créer des grandes Régions puissantes qui puissent rivaliser avec d’autres grandes régions en Europe comme les Länder allemands. De ce point de vue-là, le bilan est en progrès mais ces Régions françaises sont encore un peu au milieu du gué car on ne leur a pas non plus délégué des moyens suffisants. Sans
On a souvent considéré ce sujet de la dette comme étant contingent, alors qu’il est capital.
EMA : Et par rapport à un pays comme l’Italie ? PM : Je ne souscris ni au choix politique ni à la méthode de gouvernement de l’Italie mais il y a néanmoins du bon à prendre partout. On peut aussi citer l’Espagne et le Portugal dans les bons élèves actuellement. EMA : Les gouvernements de toutes tendances politiques, y compris ceux à qui vous avez appartenu ont leur part de responsabilité non ? PM : Ce n’est pas une question de droite ou de gauche en effet, mais il y a des moments où on est plus attentifs à cette question qu’à d’autres. Pendant les années Hollande, j’estime tout de même que les finances publiques ont été mieux tenues, avec un déficit qui était passé de 5,2 à 3,9 % du PIB. Et si on remonte plus loin, sous Jospin, les déficits avaient été divisés par deux. 25 ans après, on se retrouve avec une dette à 115 % du PIB alors que l’Allemagne est à 60 %. Cherchez l’erreur… EMA : La crise sanitaire a tout fichu en l’air ? PM : Tout le monde en Europe pendant cette période a augmenté sa dette de PIB de 15 %. Le problème, c’est qu’en France, on a continué depuis cette période à faire de la dette. Il y a là une anomalie.
“Il n’y a pas encore eu cette nécessaire prise de conscience.”
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aucun doute, ce processus de décentralisation est resté inachevé.
la politique, c’est avant tout le citoyen.
EMA : Vous avez été longtemps un élu du Doubs et de Franche-Comté. Avez-vous encore des attaches dans notre secteur ? PM : Pendant vingt ans j’ai été un élu de ce territoire en effet, à Sochaux, à Montbéliard, en tant que conseiller régional, puis député. J’ai sillonné cette région d’Est en Ouest et du Nord au Sud et cela reste pour moi des années merveilleuses, des années de formation aussi, et d’exercice des responsabilités. Je garde une reconnaissance éternelle à cette région. J’y ai gardé des amis, des attaches, et j’y retourne régulièrement. EMA : Vous terminez votre mission à la tête de la Cour des comptes en septembre 2026. Retournerez-vous en politique ensuite ? PM : Rien n’est interdit sur ce plan-là et quand j’aurai quitté la Cour des Comptes, je redeviendrai un homme libre de mes paroles. Je connais la politique, j’aime la politique, je la suis de près et je vis depuis longtemps dans un milieu politique. Tout cela me passionne, j’ai gardé des convictions, qui d’ailleurs n’ont pas beaucoup changé. Je n’ai pas de plan pour la suite… Mais je ne m’interdis rien. Comme le disait Talleyrand : “Je reste à la disposition des événements.” n
EMA : Vous appelez donc de vos vœux une vraie réforme territoriale ? PM : Ce débat sur le millefeuille territorial, incontestablement, il devra être un des sujets majeurs de la prochaine présidentielle en 2027, au même titre que le sujet sur la dette publique. Le prochain président ou la prochaine présidente n’aura donc d’autre choix que de s’attaquer à ces deux sujets majeurs. EMA : La Cour des Comptes que vous présidez n’a qu’un avis consultatif en matière financière. N’est-il pas temps de changer son statut pour lui donner davantage de poids afin qu’elle puisse contraindre le politique à l’action ? PM : Depuis 5 ans que je suis à sa tête, je pense avoir beaucoup transformé cette juridiction et les Chambres Régionales des Comptes avec. Tous les rapports de la Cour des Comptes sont désormais publics et notre poids s’est renforcé. Nous sommes un vrai tiers de confiance aux yeux des Français. Et ce chiffre pourra peut-être étonner, mais 75 % de nos recommandations sont suivies. Et je ne voudrais surtout pas que 100 % d’entre elles le soient car nous ne sommes pas un gouvernement des juges, nous sommes juste à notre place, là pour éclairer la décision politique. Et
“Le processus de décentralisation est resté inachevé.”
Il préside la Cour des comptes depuis le 3 juin 2020.
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C’EST DANS L’AIR L’actu des élus
À UN AN DES ÉLECTIONS MUNICIPALES, LE MANDAT DE MAIRE NE FAIT PAS RÊVER LES JEUNES. POURQUOI ? À un an des élections municipales de 2026, la sociologie des maires en France révèle une représentation limitée des jeunes dans les fonctions exécutives locales. Selon une enquête menée par Martial Foucault, politiste à Sciences Po Paris, seulement 3 % des maires en exercice ont moins de 40 ans. Cette faible proportion de jeunes maires s'explique notamment par les défis liés à la conciliation du mandat avec la vie professionnelle et personnelle. Les responsabilités croissantes, les exigences administratives et les tensions internes au sein des conseils municipaux peuvent dissuader les plus jeunes de s'engager dans ces fonctions. Par ailleurs, la moyenne d'âge des maires en France est de 60 ans, avec une prédominance masculine : environ 80 % des maires sont des hommes. L’IA OUI, MAIS PAS N’IMPORTE COMMENT ! La délégation aux collectivités territoriales du Sénat a réalisé un rapport sur l’IA (Intelligence Artificielle) qui fonctionne comme un guide pratique à destination des élus locaux. Il a été élaboré pour les accompagner dans l’intégration de l’intelligence artificielle dans leurs politiques publiques. Ce document vise à fournir des repères clairs et des outils concrets pour une utilisation éthique, responsable et efficace de l’IA au service des collectivités. LUTTER CONTRE LA CORRUPTION, SUIVEZ LE GUIDE ! En novembre 2024, l’Agence française anti-corruption (AFA) et l'Association des maires de France (AMF) ont publié un guide pratique intitulé “Mieux gérer les risques d’atteintes à la probité”, spécifiquement destiné aux élus du bloc communal. Ce document de 62 pages vise à accompagner les communes et leurs groupements dans la mise en œuvre de dispositifs de prévention adaptés à leurs profils et moyens. Le guide a pour ambition d’aider les élus à identifier les risques en mettant en lumière les situations propices aux atteintes à la probité, telles que la corruption, le favoritisme ou la prise illégale d’intérêts. Il vise à mettre en place des mesures préventives en proposant des outils et des recommandations pour instaurer une culture de l’intégrité au sein des collectivités. Il vise enfin à renforcer la transparence en encourageant la publication des décisions et la mise en place de mécanismes de contrôle interne. En complément du guide, l’AFA propose l’outil “Probi-cités”, un questionnaire en ligne destiné aux élus pour évaluer la robustesse des dispositifs de prévention en place au sein de leur collectivité.
LA PRESSION MONTE SUR LES ÉPAULES DES MAIRES
À l’approche des élections municipales de 2026, la santé mentale des maires suscite une inquiétude croissante. Des études récentes révèlent une réalité alarmante : plus de 80 % des maires estiment que leur mandat affecte leur santé physique ou mentale, se traduisant par des troubles du sommeil, une fatigue persistante et une lassitude généralisée. Selon une étude menée par l’Observatoire Amarok et l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF), 31,4 % des maires présentent des signes d’épuisement, et 3,5 % sont en risque sévère de burn-out, soit environ 1 200 élus. Les femmes maires sont particulièrement exposées, tout comme ceux exerçant dans l’isolement ou cumulant leur mandat avec une activité professionnelle. Les principales sources de stress pour les maires incluent la complexité administrative, la charge de travail excessive et les difficultés liées aux subventions. L'AMRF, en collaboration avec l’Observatoire Amarok, développe un dispositif de prévention du burn-out des maires, incluant des outils d’auto-évaluation et une cellule d’écoute dédiée. C’EST LA FIN DU PANACHAGE ! Jusqu’à présent, les communes de moins de 1 000 habitants utilisaient un scrutin majoritaire plurinominal avec panachage, permettant aux électeurs de modifier les listes en barrant ou ajoutant des noms. Ce système est désormais remplacé par un scrutin de liste à deux tours, avec des listes complètes ou incomplètes, sans possibilité de modification par les électeurs. Chaque liste devra respecter une alternance stricte entre candidats de sexes différents, favorisant ainsi la parité. Les communes nouvelles, souvent issues de la fusion de plusieurs petites communes, sont également concernées par cette réforme. Le scrutin de liste paritaire s’appliquera à l’ensemble de ces entités, assurant une cohérence dans les modalités électorales et renforçant la représentation équilibrée des sexes au sein des conseils municipaux. Une réforme du scrutin contre laquelle s’oppose le sénateur du Doubs Jean-François Longeot. Il a saisi le Conseil constitutionnel avec 81 autres sénateurs (voir notre article en pages suivantes). UNE “CONTRIBUTION MINIMALE” POUR RENFORCER LE LIEN CITOYEN-COLLECTIVITÉ La délégation aux collectivités territoriales du Sénat a réalisé un rapport sur l’IA (Intelligence Artificielle) qui fonctionne comme un guide pratique à destination des élus locaux. Il a été élaboré pour les accompagner dans l’intégration de l’intelligence artificielle dans leurs politiques publiques. Ce document vise à fournir des repères clairs et des outils concrets pour une utilisation éthique, responsable et efficace de l’IA au service des collectivités.
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UN TEXTE POUR AMÉLIORER LES RELATIONS ENTRE LES MAIRES ET LES ARCHITECTES DES BÂTIMENTS DE FRANCE. En mars 2025, le Sénat a adopté à l'unanimité une proposition de loi visant à réconcilier les élus locaux et les architectes des Bâtiments de France (ABF). Ce texte est porté par le sénateur Pierre-Jean Verzelen. La proposition de loi vise, par exemple, à remplacer le périmètre automatique de 500 mètres autour des monuments historiques par des périmètres délimités des abords (PDA), plus souples et adaptés aux réalités locales. Elle vise aussi à alléger les formalités nécessaires à la mise en place des PDA, notamment en supprimant l’enquête publique et la consultation du propriétaire du monument. Cette réforme intervient dans un contexte où les ABF sont confrontés à une surcharge administrative, avec une augmentation de plus de 60 % du nombre d’avis rendus depuis 2013, sans augmentation significative des effectifs. Cette situation a conduit à des tensions avec les élus locaux, qui souhaitent une meilleure conciliation entre protection du patrimoine et développement local. La proposition de loi est désormais en cours d'examen à l’Assemblée nationale. en bref Par Thomas Comte France Bleu Besançon change de nom et devient
L’ÉPANDAGE PAR DRONE AUTORISÉ Le Sénat a adopté le 9 avril dernier la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, communément appelée loi sur l’épandage par drone. Cette loi a été publiée au Journal officiel le 24 avril. Cette législation autorise l’utilisation de drones pour la pulvérisation de certains produits phytopharmaceutiques, sous des conditions strictes, afin de protéger les cultures contre les bio-agresseurs dans des zones difficiles d’accès ou présentant des risques pour la santé des applicateurs. Elle vise aussi à réduire l’exposition des travailleurs aux produits chimiques en limitant les traitements manuels.
LORS DU DÉCÈS D’UN ADMINISTRÉ, UN INFIRMIER PEUT-IL ÉTABLIR UN CERTIFICAT DE DÉCÈS ?
Oui, depuis avril 2025, les infirmiers diplômés d’État (IDE) en France peuvent légalement établir des certificats de décès, sous certaines conditions. Cette évolution vise à améliorer la réactivité des services funéraires, notamment dans les zones où la disponibilité des médecins est limitée. Pour cela, il doit être volontaire et inscrit sur une liste spécifique tenue par l’Ordre des infirmiers. Il doit avoir validé une formation spécifique de 12 heures. Il doit exercer en tant que libéral ou salarié dans une structure telle qu’un EHPAD.
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Vie politique APPLICABLE EN 2026
ACTU ➜
LE SCRUTIN DE LISTE PARITAIRE EST GÉNÉRALISÉ À TOUTES LES COMMUNES Dès les prochaines élections municipales, les communes de moins de 1 000 habitants - elles sont 94 dans le Doubs - auront désormais aussi comme obligation de présenter des listes paritaires et respecter une alternance homme-femme. L’Assemblée nationale a définitivement adopté la proposition de loi, en deuxième lecture, le 7 avril dernier.
Par Jean-François Hauser et Sarah George
L e sujet faisait beaucoup débat au sein des élus locaux et était loin de faire l’unanimité. Il continue d’inquiéter assez largement, après son adoption définitive par l’Assemblée Nationale. Une des craintes majeures étant de réussir à trouver des candidates. “Il est déjà parfois difficile de fédérer, et nous avons vu, en prime, une hausse des démissions durant ce mandat” , remarque
Patrick Genre, maire de Pontarlier et président de l’Association des maires du Doubs. S’il y était, à titre personnel, plutôt opposé, plusieurs associations d’élus dont, l’Association des maires de France, Intercommunalités de France et l’Association des maires ruraux de France militaient au contraire depuis quelque temps pour cette réforme. L’un des objectifs avoués, au-delà de l’harmonisation et de la
Le Conseil Constitutionnel en arbitre Zoom
I mmédiatement après la promulgation de la loi, des sénateurs, et en première ligne celui du Doubs Jean-François Longeot, ont déposé un recours pour tenter de déclarer cette loi inconstitu tionnelle. Les sages devaient trancher avant la fin mai. “Parce que cette loi modifie profondément le mode de scrutin et d’élection des conseils municipaux des communes de moins de 1 000 habitants et prévoit son entrée en vigueur immé diate pour 2026, elle soulève une grave question de constitutionnalité du fait de son caractère imparfait et précipité” estime M. Longeot qui a été désigné coordinateur par les 84 saisissants de cette saisine. Ce dernier a été auditionné le 13 mai par les membres du collège du Conseil Constitutionnel. Le recours déposé par les parlementaires avançait notamment l’argument que “l’applica tion précipitée du texte à des opérations
électorales prévues dans moins d’un an soulève de graves questions de légitimité démocratique. Il en aurait été autre ment si le texte adopté avait prévu son application au premier renouvellement général qui suit celui de 2026 ou si les mandats municipaux actuels avaient été prorogés d’une année ce qui n’est pas le cas.” Ils mettaient aussi en avant des erreurs de comptage des voix quand la loi organique a été examinée par le Sénat ainsi que la présence de multiples manquements aux règles de procédure applicables à l’Assemblée nationale lors de son examen, ainsi qu’une atteinte au principe de libre administration des collectivités locales et une atteinte au principe fondamental reconnu par les lois de la République tenant à la présence d’un régime électoral distinct pour les petites communes..
Les sages du Conseil Constitutionnel devaient rendre leur verdict aux alentours du 20 mai.
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simplification des modes de scrutin, est de répondre à la crise de l’engagement local. En particulier dans les petites communes rurales, qui n’étaient jusqu’ici pas soumises à des obligations de parité et où on observait une présence féminine relativement faible (37,4 % selon les derniers chiffres ministériels, contre 48,1 % dans les communes de plus de 1 000 habitants, obligées d’appliquer l’alternance dans la constitution des listes depuis 2014). Adoptée en première lecture par les députés début
mune de moins de 300 habitants (Touillon-et-Lou telet), la réforme n’est pas pertinente. “Il est déjà très difficile de constituer une liste dans certaines petites communes. Et si une liste est figée, qu’est-ce qui incitera les électeurs à se déplacer si l’élection est jouée d’avance ?” s’interroge-t-il. Les partisans de la réforme comme cet autre maire rural estiment que “le nouveau système qui interdit de rayer des noms évitera l’habituel “tir au pigeon” où bien souvent, le maire est plus rayé que les autres noms car c’est lui qui est en première ligne.” Difficile de savoir commen t cela se traduira dans le Doubs, où se trouve une majorité de petites com munes. Les équipes sortantes qui souhaitent se représenter devront, sans doute, délaisser certains de leurs membres masculins pour faire entrer des femmes. Par endroits, il n’y aura aussi peut-être plus qu’une seule liste. Il restera cependant la possibilité de déposer des listes incomplètes avec deux candidats de moins que l’effectif légal : soit un seuil minimal de 5 candidats dans les communes de moins de 100 habitants (9 jusqu’à 499 habitants et 13 jusqu’à 999 habitants). Les partisans de cette réforme sont confiants dans la capacité à mobiliser des femmes, y compris dans les plus petits villages où elles sont souvent déjà impliquées dans la vie associative. À l’échelle du pays, cette réforme touche 70 % des communes, pour seulement 13 % des habitants. Le jeu en valait-il la chandelle ? n
Les communes de moins de 1 000 habitants seront elles aussi concernées par des listes paritaires et entières. Elles sont 84 dans ce cas dans le Doubs (ici le village des Gras).
“Ce nouveau système évitera l’habituel “tir au pigeon.”
2022, puis complétée par les sénateurs en mars 2025, cette proposition de loi a donc été définitivement adoptée il y a quelques semaines. Un peu dans l’urgence, il est vrai, afin que le texte entre en vigueur dès les prochaines élections de mars 2026. Sachant que la modification des règles électorales à moins d’un an du scrutin, n’est en principe, pas possible. Elle vient donc généraliser le scrutin de liste paritaire et met fin au scrutin plurinominal à deux tours, avec possibilité de panachage pratiqué dans les plus pe tites communes. “Beaucoup y voient des contraintes supplémentaires. D’autres disent que si on ne l’impose pas, on n’aura jamais la parité” , commente Patrick Genre. Pour Sébastien Populaire, maire d’une com
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Coût CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES
RISQUES ➜
ASSURANCES : QUAND LES COMMUNES NE PEUVENT PLUS SUIVRE Face à l’explosion des primes et au durcissement des garanties, de plus en plus de collectivités peinent à s’assurer correctement. Des villes comme Pontarlier ou Valdoie en viennent à faire des choix radicaux pour préserver leurs finances. Le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes dresse un état des lieux alarmant.
Par Thomas Comte
L e rapport d’audit flash de la Chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, publié en décembre dernier, met en lumière une crise profonde de l’assurabilité des col lectivités territoriales. Cette étude, menée auprès de 17 collectivités locales, révèle une dégradation généralisée des conditions d’assurance, affectant durement les communes du Doubs. Le fond du problème est financier. Les dépenses d’assurance des collectivités ont grimpé en flèche. “Les primes d’assurance ont été multipliées par près de deux entre 2018 et 2024” , souligne le rapport. En moyenne, les hausses sont de 147 % pour l’as surance dommages aux biens, 96 % pour la flotte automobile, et 75 % pour la responsabilité civile ! Pour certaines communes, cette hausse atteint des sommets. Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) par exemple, a vu ses primes passer de 132 000 euros à 471 000 euros, soit + 258 %. Outre les prix, ce sont les conditions elles-mêmes qui se sont durcies. Les franchises explosent, les plafonds d’indemnisation sont abaissés, et les exclusions se multiplient. “La spécificité du cycle engagé en 2022-2023 est de présenter à la fois une hausse des prix supérieure aux précédents maxima et une forte restriction des garanties apportées.” Les collectivités paient donc plus cher d’assurance pour une couverture souvent moins bonne. Les causes de ce déséquilibre sont multiples. Tout d’abord, la sinistralité est en forte hausse. Elle est liée par exemple aux épisodes climatiques tels que la grêle ou la sécheresse qui se multiplient. “Le coût des sinistres climatiques est estimé à 10 milliards d’euros en 2022 en France contre 3,6 milliards par an en moyenne entre 2011 et 2021.”
Les hausses sont de
Le marché de l’assurance des collectivités est dominé par deux acteurs, SMACL et Groupama qui concentrent plus de 75 % des parts. Or, la SMACL est fragilisée financièrement “après des années de politique tarifaire trop basse” et les émeutes de 2023 qui lui ont coûté 65 millions d’euros. Elle a dû revoir à la hausse de nombreux contrats, voire en résilier. Les collectivités doivent donc faire face à un rat trapage des prix, à des conditions qui se durcissent de la part des compagnies de réassurance, avec en prime des franchises et des exclusions qui réduisent la couverture. Les collectivités doivent faire des arbitrages doulou reux dans leur politique d’assurance. Ainsi, lors du renouvellement de son contrat statutaire en 2023, la ville de Pontarlier a été confrontée à une hausse prévisionnelle de 21 % de la cotisation, passant de 244 288 euros à 295 280 euros. Pour y faire face, elle a choisi de ne plus assurer les arrêts pour maladie ordinaire de ses agents. Elle a également introduit des franchises massives : 60 jours pour les accidents du travail et 90 jours pour les longues maladies. Un exemple emblématique de “désassurance” progressive rendue nécessaire par les contraintes budgétaires. La situation est encore plus critique pour Valdoie (Territoire de Belfort). Ciblée par plusieurs sinistres récents - une tempête, un incendie de trois cellules commerciales en 2022 (1,4 million d’euros) et la dé gradation de la maison pour tous (160 000 euros) -, “Le coût des sinistres climatiques est estimé à 10 milliards d’euros en 2022.”
147 % pour l’assurance dommages aux biens.
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L'augmentation des sinistres liés à des épisodes climatiques impacte le coût des assurances pour les collectivités.
la commune a vu ses franchises exploser. Pour les mouvements sociaux, la franchise est passée à… 2 millions d’euros, soit 236,5 % de sa capacité d’auto financement ! “La collectivité pourrait devoir mobiliser plus de 20 % de sa capacité d’autofinancement pour couvrir un sinistre de 2 millions d’euros, sans aucun soutien de l’assurance. ” Autant dire que certains risques deviennent “techniquement inassurables” pour des communes de cette taille. Face à cette situation critique, le rapport CRC-BFC appelle les collectivités à professionnaliser leur gestion des assurances. Il recommande, notamment, une meilleure évaluation des besoins, la mutualisation des fonctions, et le développement de politiques de prévention. La Chambre régionale cite comme bonne pratique Dijon Métropole qui assure 11 communes de l’agglomération. L’assurabilité devient un défi stratégique pour les communes. “La restriction des garanties pourrait, en cas de sinistre, avoir un impact sur les finances des collectivités bien supérieur à la hausse des primes” , alerte le rapport. Dans ce contexte, les élus sont appelés à revoir leurs stratégies, entre mutualisation, prévention, et choix budgétaires souvent difficiles. n
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“UNE DÉMOCRATIE QUI NE RÉFLÉCHIT PLUS À SES INSTITUTIONS COURT UN GRAVE DANGER” Bras droit de Christine Bouquin en tant que directeur général des services au Département du Doubs, Emmanuel Faivre vient de sortir un essai intitulé “Débloquer la France”. Pour tenter d’en finir avec la lourdeur du centralisme français. Interview. Politique IL DONNE QUELQUES CLÉS POUR “DÉBLOQUER LA FRANCE”
ACTU ➜
Par Jean-François Hauser
En Mode Action : En préambule de votre ouvrage, vous estimez que le sentiment de blocage de la France interpelle et inquiète les Français. Vous êtes vous même inquiet ? Emmanuel Faivre : Oui je le suis et je suis d’autant plus à l’aise de le dire que je suis au cœur de la “machine” depuis plus de quinze ans et plus ça va, plus ce sentiment de blocage est grand. Je dirais que ça s’est franchement aggravé depuis une dizaine d’années et plus encore depuis cinq ans. Le premier problème, qui ne date pas d’hier, c’est le centralisme de notre pays. C’est de pire en pire, et non seulement ça ne s’arrange pas, mais on assiste à un vrai phénomène de recentralisation des décisions. Chaque dispositif est assorti d’injonctions venues de Paris. La loi est devenue beaucoup trop bavarde. Elle voudrait tout dire et au final, elle devient inapplicable. En Mode Action : Avez-vous un exemple concret ? E.F. : Une illustration très simple et récente au sein du Département : les 15 heures d’activité obligatoire pour les bénéficiaires du RSA. C’est une loi qui a été promulguée l’an dernier et nous n’avions au printemps toujours pas les décrets d’application. De notre côté, nous n’avions pas attendu la loi pour proposer aux personnes au RSA des heures d’activité pour les aider à reprendre pied le plus rapidement possible. Le législateur fait une loi pour ça, comme si les acteurs de terrain n’étaient pas capables de le faire eux-mêmes sur les territoires. Sur le principe, les lois devraient juste donner l’objectif, aux collectivités ensuite de trouver les méthodes pour les appliquer. En Mode Action : Vous parlez de recentralisation. Qu’entendez-vous par là ? EF : Ce phénomène a sans doute commencé avec la loi NOTRE. Et ça n’a pas cessé depuis. Encore un exemple récent et qui a fait l’actualité des Départements : les enfants placés de l’ASE (NDLR : Aide sociale à l’enfance). À Paris, le législateur est
en train de repenser les normes d’encadrement des enfants et au final, il y aura tellement de mesures restrictives que nous serons obligés de fermer des places ASE alors qu’il y aurait besoin d’en avoir plus. La bureaucratisation et l’augmentation incessante du nombre de normes qui s’empilent, sans d’ailleurs en remplacer d’autres, est devenue insupportable. Et pire : cette bureaucratisation finit par déresponsabiliser le local. Autre exemple avec la loi 3DS de 2022 qui portait diverses mesures de simplification de l’action publique locale et grâce à laquelle les collectivités étaient censées pouvoir déroger à certaines règles nationales. Fin 2024, au Département du Doubs, on a demandé à déroger à une règle afin de pouvoir verser une prime à certains éducateurs. Nous n’avions jamais reçu de réponse de l’État. Du coup, on l’a quand même mise en œuvre cette prime, mais sans autorisation… EF : Bien sûr. Le manque d’autonomie, notamment financière, avec la suppression de la taxe d’habitation pour les communes et de la taxe sur le foncier bâti au bénéfice des Département, a été dramatique. Les collectivités vivent désormais des subventions de l’État. Et si l’État gérait bien, ça se saurait… Je vois un quatrième problème, c’est le manque de solidarité entre les territoires dans ce pays. En Mode Action : Après ces constats, vous dessinez des solutions. Pour vous, le fédéralisme pourrait être une des clés de la solution ? EF : Pour combattre tous ces maux, oui, je pense que les idées fédérales que l’on voit à l’œuvre chez nos voisins proches que sont les Suisses et les Allemands, permettent une meilleure efficacité dans les rouages des collectivités. Seulement, la France a toujours été hermétique à ces idées fédérales, sans doute parce que ce système est trop méconnu ici. En Mode Action : La réforme de la fiscalité locale n’a-t-elle pas renforcé ce sentiment de centralisme ?
Stop aux injonctions venues de Paris.
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L’info en
Bio express
Jurassien d’origine, Emmanuel Faivre est directeur général des services (DGS) du Département du Doubs depuis 2022 auprès de Christine Bouquin après avoir occupé ce poste au Département de la Haute-Saône une dizaine d’années auprès d’Yves Krattinger. Docteur en géographie et aménagement du territoire, il est également délégué général du “Labo rural : méthode et audace”.
Emmanuel Faivre, directeur général des services du Département du Doubs, publie “Débloquer la France, appel à fédéraliser les territoires” (édition Atlande).
En Mode Action : Vous seriez donc un fédéraliste à l’image du régionaliste Jean-Philippe Allenbach qui prône la scission de la Bourgogne et de la Franche-Comté ? EF : Non, mon idée, ce n’est pas du tout la sécession et je n’appelle pas la France à devenir une fédération. Mais j’appelle à mieux fédérer les territoires, c’est beaucoup plus nuancé. Je pense qu’il faut un État fort sur toutes les questions régaliennes (sécurité, armée, Éducation nationale, justice…). Mais à l’échelle territoriale, je prône de vrais changements structurels. En Mode Action : Lesquels ? EF : Je supprimerais les grandes Régions. Non pas pour le plaisir de les supprimer, mais à part les transports, elles gèrent essentiellement les contrats avec l’État. Je propose que les communes, les intercommunalités et les Départements soient réunis en une même entité et que demain, la collectivité départementale soit une fédération des intercommunalités de son territoire. Le président de communauté de communes, qui serait élu au suffrage universel, deviendrait le conseiller départemental de son territoire et tout cela amènerait une bien meilleure solidarité entre les EPCI. Je suggère aussi que les présidents des Départements soient automatiquement sénateurs car selon moi, le Sénat doit redevenir le vrai représentant des territoires, avec donc des sénateurs directement impliqués dans
le fonctionnement de ces territoires. Je propose aussi qu’on garde les 25 grandes métropoles françaises, collectivités à part entière. Enfin, pour toutes les décisions qui concernent l’aménagement des territoires, le Sénat, et non plus l’Assemblée nationale, aurait le dernier mot. Dans ma vision, le maire qui garde un rôle central, serait un animateur de sa communauté villageoise,
à tous et en haut lieu qu’il y a sans doute une autre approche possible. Ce que je reproche aussi, c’est que depuis 10 ans, jamais l’avis du citoyen n'a été sollicité avant de prendre toutes ces mesures de recentralisation. Des mouvements éruptifs comme les Gilets jaunes, ou des exemples locaux comme la création de la communauté européenne d’Alsace sont sans doute des conséquences de ce manque de concertation. En Mode Action : La décentralisation amorcée au début des années quatre-vingt se solde donc par un échec selon vous ? EF : Jusque dans les années 2000, la décentralisation a bien fait son travail. Mais dès lors qu’on a commencé à enlever des moyens d’agir aux collectivités, cette décentralisation a été sacrifiée. Il faudrait une vraie révolution idéologique pour faire évoluer les choses. Sinon, j’ai bien peur que d’ici dix ans, la démocratie locale soit morte… Nous sommes, je pense, à la croisée des chemins. Une démocratie qui ne réfléchit plus à ses institutions court un grave danger. Que le fonctionnement de la France soit géré comme ça, par une centaine d’énarques qui ne représentent aucunement les territoires, et qu’à côté de cela il y ait 1 million de fonctionnaires territoriaux qui n’ont quasiment aucune influence, ce n’est vraiment pas la bonne direction. C’est comme si la France courait le 100 mètres avec un boulet au pied. n
“Je supprimerais les grandes Régions.”
et aurait une autre attribution en tant que représentant de l’intercommunalité dans sa commune. Enfin, l’élection territoriale aurait lieu une fois tous les six ans, où seraient élus en même temps, les maires, les présidents de com’com au suffrage universel, ainsi que le Conseil départemental le même jour et, quelques jours plus tard, les sénateurs issus des Conseils départementaux. Tout cela redonnerait un vrai lien avec les citoyens. En Mode Action : Ces propositions, aussi argumentées qu’elles soient, ne relèvent pas de l’utopie ? EF : Oui, bien sûr, il faudrait une révolution institutionnelle pour changer le système actuel. Mais si j’ai écrit ce livre, aussi en tant que docteur en géographie des territoires, c’est pour que ces idées commencent à infuser auprès des associations d’élus, montrer
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Aménagement territorial RECUL OU AVANCÉE ?
FONCIER
Sobriété foncière : de nouveaux assouplissements en vue Déjà assouplis en 2023 par la loi “ZAN 2”, les objectifs fixés en matière d’artificialisation des sols devraient à nouveau être amendés par la proposition de loi TRACE*. Adoptée en mars dernier par le Sénat, elle a été transmise à l’Assemblée nationale.
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Par Sarah George
L imiter la bétonisation et préserver les sols, telle était l’idée de départ du zéro artifi cialisation nette (ZAN) introduit par la loi Climat-résilience. Une idée plutôt simple mais qui continue de faire débat quatre ans après. Jugée inapplicable en l’état par certains, elle re vient régulièrement sur la table et crispe nombre d’élus, qui pointent du doigt la difficile conciliation des impératifs de sobriété foncière d’un côté, et les besoins en logement, d’installation d’énergies renouvelables ou d’activité économique de l’autre. Dans le Doubs, comme ailleurs, l’inquiétude des collectivités locales concernant leurs capacités de développement futures se fait ainsi ressentir. À l’image de la dernière actualisation du schéma d’aménagement des zones d’activités de Grand Besançon Métropole, qui a opposé plusieurs élus. Ou encore de la croissance démographique portée par les travailleurs frontaliers, qui pose la question
de l’habitat sur le Haut-Doubs. La proposition de loi TRACE*, portée par les séna teurs Ghislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc et adoptée en première lecture au Sénat le 18 mars dernier, pourrait bien à nouveau rebattre les cartes. Derrière ce nouvel acronyme se cachent, en fait, un certain nombre d’ajustements. Il s’agit d’instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux, “à un rythme com patible avec l’ensemble des stratégies favorisant la transition écologique en France” , précise l’instance sur son site. Et donc, en clair, de revoir les points de blocage qui persistaient jusqu’ici, à commencer par le calendrier imposé aux élus. Le texte prévoit ainsi de repousser les dates bu toirs de modification des documents régionaux de planification et des documents d’urbanisme, “en 2026 pour les documents régionaux, 2031 pour les SCoT et 2036 pour les PLU(i) et cartes communales, afin de permettre aux collectivités de mieux anticiper la baisse de leurs possibilités d’artificialisation.” Il revient également sur la réduction de 50 % de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers d’ici 2031, et propose de la remplacer par des objectifs intermédiaires différenciés, fixés d’ici 2034 par les collectivités elles-mêmes. Plusieurs exceptions (dont les implantations indus trielles, les logements sociaux et les infrastruc tures d’énergies renouvelables) profiteront, dans le même temps, d’une exclusion du décompte jusqu’en 2036. La proposition de loi souhaite, de même, exclure et ne plus mutualiser les projets d’envergure nationale et européenne au sein des enveloppes de consommation d’espaces fixées aux niveaux régionaux et locaux, pour éviter que ces dernières soient pénalisées. Une disposition,
20 000 hectares de surfaces agricoles, naturelles et forestières sont grignotés chaque année en France.
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