EN MODE ACTION 02 - Avril 2023

Avril 2023 | EN MODE ACTION.

PARITÉ ➜

Politique LE TÉMOIGNAGE D’UNE FEMME ÉLUE

“Notre parole de femme n’a pas le même poids” Pour atteindre l’égalité en politique, le combat des femmes n’est pas terminé. Rencontre avec Sarah Faivre, maire de Quingey, à l’occasion de la journée des droits des femmes.

Propos recueillis par J.-F.H.

En Mode Action : Estimez-vous que les femmes en politique n’ont pas encore acquis une totale légitimité ? Sarah Faivre : Si je suis là, c’est d’abord grâce à la loi sur la parité en politique, une loi unique au monde je pense. Mais il y a encore beaucoup de travail pour arriver à une véritable égalité de traitement entre hommes et femmes en politique. J’estime qu’il nous manque encore une certaine légitimité et que notre parole n’a pas le même poids que celle des hommes. Dans des réunions importantes, quand on est la seule femme de l’assemblée, ce n’est toujours pas évident de se faire entendre. Le mouvement Me Too il y a quelques années m’a fait un bien fou ! EMA : Travaillez-vous sur cette question de la légitimité ? SF : LJe travaille régulièrement avec mes adjointes sur la question de la confiance en soi et de la façon de tenir tête, j’essaie toujours de donner confiance aux femmes

qui veulent s’engager. Quand je suis arrivée en 2008 sur la scène politique locale, c’était à la limite du procès en incompétence. J’ai l’impression qu’on doit en faire deux fois plus pour imposer nos points de vue. Sans parler du harcèlement de certains élus, qui perdure parfois.

femmes qu’ils ne se permettraient pas avec leurs collègues masculins. Comme un maire d’une commune voisine de Quingey qui s’est permis de prendre la parole avec son écharpe de maire, à Quingey, avant même que j’arrive. Ou alors quand j’obtiens une subvention après m’être vraiment battue pour soutenir un projet et qu’on me fait dire que “les services ont été séduits par le charme de Madame…”, ou alors une autre fois quand je m’entends dire : “Eh bien ma cocotte, on m’avait bien dit que tu étais coriace !” Autant de situations qu’il est toujours difficile à vivre quand on est une femme élue. EMA : Vis-à-vis de son conjoint, se lancer en politique quand on est une femme est toujours compliqué de nos jours ? SF : Les choses évoluent et heureusement, mais ce n’est en effet pas toujours simple de demander à son conjoint de faire les tâches ménagères quand on doit partir tenir un discours en préfecture ou ailleurs. L’inverse n’est pas vrai et ça, ce n’est pas juste ! Quand je me suis lancée en 2008, j’avais de l’ambition, mais j’osais à peine me l’avouer à moi-même, car ce n’est toujours pas bien vu d’être une femme ambitieuse. SF : Lors de la précédente mandature, nous étions 17 % de femmes maires en France. Nous sommes désormais 20 %. On n’a pris que 3 points ! Les choses avancent, oui, mais pas très vite… Même dans la fonction publique d’État, à la préfecture par exemple, on voit toujours beaucoup plus de directeurs de services que de directrices ! n EMA : La cause féminine avance tout de même selon vous ?

“Ce n’est toujours pas bien vu d’être une femme ambitieuse.”

EMA : Vous en avez été victime ? SF : Oui il y a quelques années. Un responsable politique local m’avait mis ses deux mains autour de mon cou. Naturellement, je lui ai retiré ses mains et c’est un de ses collaborateurs qui est venu me voir pour me demander si en ce moment j’avais des soucis ! Il y a des élus hommes qui se permettent des choses avec des élues

Maire de Quingey, Sarah Faivre a subi et subit encore une certaine forme d’inégalité de traitement.

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