EN MODE ACTION 01 - Mars 2022

EN MODE ACTION. | Mars 2022

➜ LE

GRAND TÉMOIN

“La décentralisation a régressé

Le président du Sénat, la chambre qui représente les collectivités locales, est le grand témoin de cette première édition d’En Mode Action, le newsmag des élus du Doubs. Il livre son point de vue, sans concession, sur la nécessaire relance d’un processus efficace de décentralisation. depuis dix ans”

Propos recueillis par Jean-François Hauser

EMA : Comment s’est traduite au fil des ans cette “recentralisation” que vous dénoncez ? GL : Le premier sujet a été initié par François Hollande avec la baisse de 11 milliards d’euros de dotations d’État. Deuxième exemple dans le temps : on supprime la taxe d’habitation, c’est-à-dire un des derniers leviers fiscaux dont disposaient encore les collectivités locales. Si ça, ce ne sont pas des actes de recentralisation absolue ! Je suis de ceux qui soutiennent fortement le partenariat entre l’État et les collectivités locales, c’est-à-dire entre le préfet et les maires. C’est le sens des propositions que le Sénat a faites lors de l’examen de cette fameuse loi 3 DS.

En Mode Action : À ceux des élus locaux qui douteraient encore de l’utilité du Sénat en tant que représentant des collectivités locales, que répondriez-vous d’abord ? Gérard Larcher : Les élus locaux ne doutent pas de l’utilité du Sénat. Je l’affirme au regard des innombrables contacts que j’ai avec eux au quotidien, dans les assemblées territoriales auxquelles je me rends, dans les congrès des villes de France auxquels j’assiste régulièrement, dans la relation que le Sénat entretient étroitement avec Territoires unis, le regroupement des associations d’élus. Sa légitimité, le Sénat la tire justement du fait qu’il soit issu d’un corps électoral riche de 500 000 élus, qui tirent eux-mêmes leur légitimité des citoyens. Cette démocratie locale est devenue une référence en ces temps de crise démocratique. Le Sénat représente cette proximité directe et en même temps, il garde une nécessaire distance avec les pulsions de notre démocratie. EMA : Au moment où le gouvernement lançait une nouvelle phase de décentralisation avec la loi dite 3 DS, estimez-vous qu’en matière de décentralisation on ait suffisamment progressé ? GL : Non seulement on n’a pas progressé en matière de décentralisation, mais j’estimequ’on a régressédepuis dix ans !

Voyez à quel point la crise sanitaire a mis en lumière cette recentralisation à laquelle on assiste depuis 2012. L’État a montré ses limites sur la question des masques d’abord, puis celle des vaccins, et qui a pallié ces manques à chaque fois ? Ce sont les collectivités locales qui ont montré la nécessaire souplesse avec laquelle ces questions doivent être gérées. L’idée un temps affirmée par le gouvernement que l’on pouvait se passer des collectivités locales est une idée folle. Après avoir assisté à un net recul de la décentralisation, il est nécessaire de revenir à la raison. GL : On a encore vu tous les travers de la centralisation à travers la mise en œuvre du plan de relance qui sur le fond, est un bon plan, mais sur sa mise en application, a montré toutes ses limites avec ce système d’appel à projets auquel il fallait répondre en quelques jours, chose impossible pour les petites collectivités ! Un autre exemple assez récent, c’est la présentation il y a quelques mois à Marseille du plan de sauvetage de la ville par l’État ! Voilà que l’État central se complaît désormais dans des attitudes de payeur. C’est une vraie forme de condescendance et l’illustration encore une fois de la centralité absolue de notre État français. EMA : L’actuel gouvernement ne l’a pas compris ?

Ce qui est bon à Brest ne l’est peut-être pas à Besançon.

Je ne citerai qu’un seul exemple : le droit à la différenciation du fonctionnement des intercommunalités, c’est-à-dire un transfert de compétences “à la carte” des communes membres vers leur établissement public de coopération intercommunale, et non pas un transfert de compétence imposé à tous depuis Paris. Nous prônons la liberté des relations entre les communes et leurs intercommunalités. Ce qui est bon à Brest

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